27 décembre 2007

40. Des Gaëls, enfants bénis de Dana (part three)

Porteur d’espoir, le navire quant à lui, s’était égaré dans une nappe de brume si épaisse que les membres d’équipage croyaient avoir atteint la fin de la terre. A l’instant où Cormac rendit son dernier souffle, le voile de brouillard se déchira et le bateau accosta sur un rivage de sable blanc. Ces côtes étaient enchanteresses et ne ressemblaient en rien à ce que les guerriers connaissaient. Au-delà des dunes s’étendaient à perte de vue forêts luxuriantes et plaines vallonnées à la végétation unique. Radon et ses hommes partirent donc explorer ces territoires merveilleux. Ils savaient que leur retour chez eux dépendrait de leur rapidité à trouver les bestiaux.

S’enfonçant dans les terres extraordinaires, les guerriers découvrirent que cet endroit fabuleux était une source de bienfaits et qu’il serait fort agréable de s’y établir. L’exploration dura une semaine avant qu’ils ne rencontrent les premiers bovins. Les bêtes n’avaient rien de comparable avec ceux vivant autrefois sur leur île, avant le déluge. Elles étaient courtes sur pattes et recouvertes d’une épaisse toison laineuse. Très longues, leurs cornes s’étalaient largement de chaque côté de leur imposant crâne plat. Dociles, les animaux se laissèrent aisément capturer. Ainsi, mon ami, Radon et ses hommes en acheminèrent sans peine cinq cents jusqu’à leur navire.

Cette terre regorgeait de trésors inespérés dont l’archipel aurait bien eu besoin. Aussi Radon trouva des arbres aux troncs gris et tortueux, leurs branches ployaient sous le poids de fruits rouge. Il décida d’en prendre car leur goût était acidulé et tellement agréable. Il récupéra également de jeunes plants qui s’apparentaient aux bouleaux et d’énormes œufs dont tous ignoraient quelle créature pouvait les avoir pondus. Providence que cet endroit fabuleux…

Radon découvrit également une caverne qu’il visita seul. Lorsqu’il en ressortit, il déclara à ses hommes que Dana, la mère de tous les dieux lui avait parlé. L’épouse du Dagda lui avait annoncé que pour leur courage et leur témérité ils seraient récompensés par un long repos. Elle lui avait également donné une corne ; il saurait en faire usage pour toujours protéger son peuple. Cependant mon fils, la Tuatha De Danann avait également ajouté que tous étaient condamnés à ne retourner sur les îles vertes que deux fois. Après ils devraient revenir en ces lieux sacrés afin de les protéger éternellement. Mais tu comprendras peut être un jour de quelle terre il s’agit et quels sont la gravité et l’honneur d’une telle mission. Oui, mon ami, tu as encore bien des secrets à apprendre, mais chaque chose en son temps…

Après deux semaines, lorsque toutes les marchandises furent à bord, le bateau reprit la route de l’archipel. Mais Radon avait en tête de revenir car il savait qu’il y avait mille choses extraordinaires à prendre.

De retour chez eux, les hommes découvrirent leurs frères accablés et ceux-ci leur contèrent le pillage dont ils avaient été victimes. Cependant aucun indice ne laissait présager dans quelle direction étaient partis les étranges maraudeurs aux non moins étranges navires. Radon pas plus que les autres ne put faire quoi que ce soit pour retrouver les disparus. Mais le voyage qu’il avait entrepris avec ses hommes avait été long et pénible, aussi après avoir débarqué les trésors que tous accueillirent avec joie, il partit se reposer. Les troupeaux furent répartis sur les quatre îles, les jeunes plants mis en terre et les fruits dont nombres étaient gâtés furent jetés dans la verdoyante prairie près de la grève où flottait le navire. Les œufs furent laissés à la charge des femmes pour qu’elles les fassent éclore. L’histoire dit que Radon et ses hommes dormirent cinq ans sans jamais se réveiller ni même avoir besoin de se nourrir.

03 décembre 2007

39. Des Gaëls, enfants bénis de Dana (Part two)

Quitter l’archipel ne fut pas une mince affaire, mon ami. La navigation fut éprouvante et risquée, car les courants, sans cesse, dirigeaient l’embarcation sur les récifs ceinturant l’archipel. Mais le fier navire était mu par la volonté de Cormac et après une semaine de lutte, Radon réussit à éloigner son navire, triomphant de tous les brisants. Oui le courageux navigateur avait vaincu, enfin put-il mettre toutes voiles dehors et prendre la direction du levant comme il l’avait projeté. La vie reprit son cours sur l’archipel et chacun espérait que le chef parviendrait à trouver les bêtes qui faisaient si cruellement défaut à la population. Dés lors, pas un jour ne se leva sans que l’on visse Cormac se poster sur les falaises, priant Manannan, pour que l’océan soit favorable aux siens.

Las, mon enfant, encore une fois le sort allait marquer les humains. Trois mois après que Radon ait quitté la terre, enveloppés d’une épaisse brume, d’étranges navires aux voiles noires dont les coques ne touchaient pas les flots firent leur apparition au large de l’archipel verdoyant. Oui fils, flottant dans les airs, menaçants, ils avançaient à vive allure sans être gênés par les brisants que Radon avait mis sept jours à contourner. Puis ils accostèrent en quelques heures. Ils déversèrent leurs équipages hurlants qui investirent les quatre îles en une matinée…

La marée rugissante captura tous ceux n’ayant pas eu la chance de pouvoir s’abriter. Le teint sombre et la peau marquée d’effrayants et nombreux tatouages du rouge le plus éclatant qui soit, les envahisseurs bien qu’assez petits étaient effrayants de bestialité. Leur férocité n’avait d’égale que leur vivacité et en une journée, ils se saisirent de la moitié de la population. Lorsque les pillards eurent leur compte de prisonniers, ils repartirent comme ils étaient venus, sans que personne ne sache quelle direction ils avaient prise.

Cormac fut retrouvé sur la grève. Son corps avait subi tant de blessures que ses gens eurent peine à le reconnaître. Le fils de Nemed avait enduré mille tourments et il n’était plus que plaies et entailles. Son épée était brisée mais il avait moissonné plus de dix fois sept adversaires avant que leurs frères ne viennent à bout de son acharnement. Oui mon enfant, Cormac avait tenu tête à ses ennemis pour défendre les siens. Afin que tous sachent que l’on ne s’attaque pas impunément à la terre qui abrite les fiers descendants de Nemed. Car Cormac avait reconnu les Fir Bolgs autrefois combattus sur la plaine de Moy Tura, et car mieux valait mourir dans l’honneur que de subir la domination des chiens de Balor…

07 novembre 2007

38. Des Gaëls, enfants bénis de Dana (part one)

Tu connais le sort de trois des peuples que guidaient les fils de Nemed mon ami. Voici le récit de la branche de Cormac le Voyageur. De tous les enfants de Nemed, tu te rappelles que celui-ci vouait une amitié sans limite au fils de Dagda, Manannan, le maître des océans ? Le Tuatha De Danann aimait l’humain comme un frère. Il lui offrit même l’opportunité de s’installer avec ses gens sur un îlot rocheux pour mieux admirer ses plaines ondoyantes.

Ce bonheur se désagrégea avec l’arrivée des grands cataclysmes qui ébranlèrent Nemedia. La colère toute puissante de Bran n’épargna pas la terre concédée à Cormac. L’île se disloqua en une myriade de parcelles, parure bien terne en comparaison de ce qu’avait été ce royaume marin devant lequel tous s’extasiaient. Oui mon enfant, la mer reprit ce qui lui revenait de droit et même après cette tragédie, les tempêtes s’acharnèrent sans relâche sur le peuple de Cormac. Les bourrasques féroces et les lames cinglantes inondèrent l'île. Des flots monstrueux ravagèrent les rivages et arrachèrent arbres et plantes, morcelant la terre, la disloquant sans répit ; mais jamais ils ne purent atteindre son cœur de roche. Ainsi, le rocher résista au déluge et le soleil revint. Ses rayons illuminèrent alors une terre rocailleuse, désolée, une friche inculte où pratiquement plus aucune vie ne subsistait.

Alors les ancêtres de ceux que nous nommons Gaëls sortirent des abris où ils s’étaient réfugiés pour échapper au déluge. Rassemblant leur courage ils commencèrent à récupérer tout ce qui pourrait servir à rebâtir les villages, car la vie devait continuer malgré tout. Avec le reflux des marées, les fonds marins baignant les îles s’avérèrent un endroit particulièrement peu profond. Les eaux étaient poissonneuses et les hommes comprirent qu’ils ne mourraient jamais de faim. Avec les mois se succédant, l’herbe recommença à pousser et l’archipel devint rapidement verdoyant. Toutefois il n’y avait plus de bétail. Alors Radon, l’un des chefs de clan, décida qu’il fallait prendre la mer pour en ramener de la terre lointaine qui se situait vers le ponant.

L’idée paraissait périlleuse, mais Cormac qui était un souverain avisé savait que Radon était dans le vrai. Alors mon fils, les clans se réunirent et il fut décidé que cent guerriers accompagneraient Radon dans son expédition. Le fils de Nemed voulut même se joindre aux braves, car la place d’un roi est avec ses hommes face au danger, mais Radon réussit à le convaincre de n’en rien faire. Il fallait que le plus brave de tous veille sur les siens… Cormac accepta à contre cœur, mais la raison devait primer sur l’amour de l’aventure.

Plusieurs mois durant, les gens de la branche de Cormac ramassèrent le bois flottant apporté par la mer. Oui mon enfant, les îles avaient été dévastées et il n’y avait plus d’arbre. Or une telle entreprise nécessitait de construire un navire suffisamment grand pour porter l’équipage, le poisson pour le nourrir et le bétail qu’il ramènerait. Une année entière fut nécessaire à assembler un tel vaisseau. Cormac, auquel Manannan avait dévoilé de grandes notions sur la mer et ses secrets, dirigea la construction. O, mon ami, tu aurais vu avec quelle passion le fils de Nemed apporta tout son savoir et son amour à ce navire… Car s’il ne pouvait accompagner Radon, son âme habiterait l’esquif pour toujours le guider dans sa quête. Lorsque le jour du départ arriva, Radon fit le serment de revenir avant un an et un jour. S’agenouillant devant son souverain, il lui promit que tous les guerriers l’accompagnant seraient sains et saufs.

06 novembre 2007

37. Des Northlanders, fils du peuple maudit (part four)

Toutes les femmes dansaient nues en une infernale sarabande totalement désaxée. Imagine que cette scène ne faisait qu’accroître la démence de la situation. A mesure que la litanie augmentait, le sol tremblait de plus en plus fort. Les vibrations du sol étaient si puissantes que la glace et la roche éclatèrent ! Oui la terre explosa et dans la confusion absolue, elle laissa apparaître un ver monstrueux à taille prodigieuse. Les femmes déchaînées acclamaient cette immonde et répugnante créature en glorifiant son nom à tue-tête : Crom Cruach.

Alors, les hommes horrifiés comprirent qu’il s’agissait en fait du rejeton d’Eved. Cette larve qui avait réussi à fuir dans une crevasse, lorsque tous ses semblables avaient été détruites par leur fureur vengeresse. Leur colère exacerbée par tant d’ignominie, les guerriers attaquèrent le monstre. Cependant le ver infâme se nourrissait de leur force vitale et bien vite, tous furent paralysés avant d’avoir pu porter le moindre coup. Seul trois des braves survécurent aux ravages que fit dans leurs rangs celui que les femmes nommaient Crom Cruach.

Alerté du fléau que les femmes avaient invoqué, par les trois survivants Slaine comprit que la venue d’Eved avait été la plus grande malédiction qui soit. Le vaillant fils de Nemed réalisa que les femmes de son peuple étaient perdues à tout jamais. Mais il savait aussi qu’il n’y avait pas d’avenir à rester en ces terres maudites si ce n’est de subir le sort de ses fidèles et infortunés compagnons.

Ainsi mon jeune ami, dans un exode forcé, les gens de la branche de Slaine l’opiniâtre quittèrent-ils les contrées qu’il avaient tant aimées. Ainsi le peuple de Slaine se lança t’il dans une longue errance, afin de mettre le plus de distance avec celles qui avaient autrefois été leurs compagnes. Voici pourquoi la fureur depuis cet instant funeste habite ceux que nous nommons Northlanders. Car en eux brûle à tout jamais la rage. Car aucun de leurs descendant n’oubliera jamais ces femmes qu’Eved par infamie a converties en sorcières adoratrices de Crom Cruach, l’unique de ses rejetons qui avait survécu.

Alors, enfant, les guerriers redescendirent vers des territoires plus cléments. Ils emportèrent avec eux leurs magnifiques navires, les Drakmers, qu’ils voulaient garder en souvenir des jours heureux. Pour aussi ne jamais oublier que leurs contrées étaient devenues le site d’un culte effroyable dont leurs propres épouses étaient maintenant les prêtresses. Ces navires qu’ils emportaient à la force de leur bras seraient dorénavant la motivation qui les soutiendrait pour trouver une terre digne de leur volonté. Un territoire à même de les recevoir afin de rebâtir une société digne de celle qui leur avait été arrachée. Ils n’auraient de cesse tant que leurs esquifs ne se balanceraient pas à nouveau sur les flots qu’ils chérissaient tout autant que leur liberté.

Cependant, n’ayant plus de femmes, ils commencèrent à capturer toutes celles qui se trouvaient sur les terres traversées, car un guerrier doit avoir une compagne, c’est dans l’ordre des choses. Affrontant nombre de peuplades, Slaine l’Opiniâtre à la tête de ses Northlanders imposa sa volonté. Il montra à tous par le feu et l’acier que jamais les Northlanders ne reculeraient devant aucun ennemi. Après avoir croisé le chemin de Crom Cruach, peu seraient ceux à même de les faire reculer, ou même de les impressionner.

Finalement, après avoir asservi nombre de leurs ennemis pour devenir les porteurs de leurs Drakmers, chaque clan s’établit. Oui mon ami, ils décidèrent de se séparer au fil de leurs victoires, sur les sites que les combattants de Slaine avaient conquis avec bravoure. C’était pour eux la fin du voyage. C’est ainsi que les nombreuses tribus Northlanders s’installèrent des chaînes de montagne du grand Nord aux rives de l’océan, jusqu’à la limite du pays Cornic.

21 septembre 2007

36. Des Northlanders fils du peuple maudit (Part three)

Slaine savait qu’il était piégé et le cœur lourd il répéta à ses gens le marché que proposait Eved. Comprenant qu’Eved n’était pas de nature humaine et qu’elle ne pouvait être défaite comme n’importe quel adversaire, les hommes acceptèrent le pacte. La sorcière s’installa parmi ceux qu’elle avait dupés et commença à s’accoupler, mais ses desseins étaient bien plus sombres…

Oui mon fils, la fille de Balor, née de Graal ne pouvait être que d’une engeance singulière. Bien entendu les projets qu’elle avait ourdis étaient à la hauteur de sa sombre nature. De fait, la fécondation avec les hommes ne pouvait se faire que si Eved plaçait en eux les larves qu’elle produisait. Le développement de ces dernières ne prit que quelques jours pour mettre en évidence la tragédie du sort lié à leur éclosion. Les malheureux ayant subi l’accouplement contre nature se virent dévorer par leurs indésirables hôtes en souffrant le martyr. Alors mon ami, Slaine pris de pitié, officia pour mettre fin à l’ignominie. Hurlant sa peine, il tua de sa main ceux qu’il avait livrés aux caprices monstrueux de la sorcière des glaces. Mais hélas, déjà cent rejetons d’Eved naquirent en se nourrissant des entrailles des hommes.

Horrifiés et conscients d’avoir été dupés, les humains s’acharnèrent sur les enfants de la créature du froid et les jetèrent dans les flammes. Un des fils de la sorcière réussit pourtant à fuir en glissant dans une crevasse… La chaleur qui se dégagea des rejetons enflammés était telle que la glace fondit sur plusieurs kilomètres. Effrayée par la colère des hommes aveuglés par la haine, Eved préféra disparaître de peur d’être à son tour détruite par le feu vengeur.

Le destin est bien étrange mon ami. Alors que plus aucun enfant de la Branche de Slaine ne croyait au retour de leurs compagnes et filles, quelques jours après l’affront subi par la créature des glaces, elle les renvoya auprès des leurs. Les hommes explosèrent de joie car ils pensaient avoir effrayé Eved au point qu’elle renonce à les persécuter. Mais leur joie fut de courte durée… Car Slaine et les siens comprirent que les créatures revenues de l’endroit mystérieux où les avaient conduites les guerriers de glace n’avaient plus rien en commun avec celles qu’ils avaient tant aimées.

Oui, mon enfant, les femmes étaient devenues aussi froides que la glace. Elles étaient distantes comme des étrangères. Refusant de rejoindre leurs maris, elles s’installèrent à l’écart des villages, là où la glace persistait depuis le départ d’Eved. Pensant qu’elles avaient été choquées par une telle expérience, les guerriers convinrent lors d’une assemblée extraordinaire réunissant tous les clans qu’il serait fait comme elles le désiraient. Il leur serait accordé le temps nécessaire pour se remettre de leurs émotions. Car telle expérience pour qui que ce soit est traumatisante au-delà de ce que tu peux songer.

Cependant, les semaines succédèrent aux jours sans qu’aucun changement ne survienne. Avec la froidure qui résidait en permanence maintenant dans ces contrées, le dégel se faisait toujours attendre. Etrangement de sourdes vibrations se mirent à résonner des tréfonds de la terre. Après un mois, sur l’ordre de Slaine l’Opiniâtre, plusieurs hommes allèrent s’enquérir auprès des femmes de la décision qu’elles avaient finalement prise. Les émissaires se heurtèrent à une farouche opposition et furent refoulés dés qu’ils tentèrent d’approcher de leurs concubines.

Etonnés d’un tel comportement, les messagers expliquèrent les faits à Slaine. Le fils de Nemed pressentant que la sorcière des glaces était responsable de ce bouleversement décida de faire part de ses inquiétudes aux chefs de clan de sa branche. Poussés par la curiosité, les plus déterminés décidèrent de se rendre au campement des femmes afin de contraindre leurs épouses à regagner leurs tribus respectives. Le soir même une centaine de guerrier s’organisa pour aller chercher les femmes.

La terre vibrait graduellement à mesure qu’ils approchaient. Oui mon fils, et ces vibrations étaient rythmées par une insolite litanie scandée par les femmes. Une mélopée envoûtante qui résonnait aux oreilles de ceux qui l’entendaient comme un chant funèbre. Au fur et à mesure qu’ils approchaient, les guerriers furent saisis d’un indicible malaise que rien ne parvenait à dissiper. Le spectacle qui s’offrit alors aux malheureux les pétrifia d’horreur…

06 septembre 2007

35. Des Northlanders, fils du peuple maudit (part two)

La sorcière de l’hiver prononça des mots que Slaine ni aucun de ceux de sa branche n’entendirent. Alors mon enfant, un charme puissant pétrifia tous les hommes, leur rendant impossible toute tentative d’intervention, aussi forte soit leur détermination. Impuissants, ils assistèrent à la capture de leurs compagnes et de leurs filles. Imagine un instant quelle anéantissement envahit le peuple de Slaine… Les serviteurs inhumains d’Eved repartirent avec leurs captives, les emmenant au-delà du brouillard magique tissé par leur maîtresse.

Imperturbable, à leur passage, Eved avait marqué de son sceau chacune des femmes. Puis, lorsque les dernières infortunées eurent disparu à la suite de leurs esclavagistes, Eved resta seule. Le sortilège se dissipa et les hommes furent libérés de l’engourdissement les ayant jusqu’alors paralysés. A leur tête, Slaine s’élança pour tenter de rattraper les guerriers de glace et libérer celles dont ils s’étaient emparés avec traîtrise. Cependant, jeune ami, aucune trace ne subsistait de leur passage, à peine quelques nappes brumeuses. La rage au cœur, Slaine se retourna contre Eved. Fidèle à sa nature tenace lui ayant valu son nom, le fils de Nemed était résolu à reconquérir les fières filles de sa race. Alors les humains séquestrèrent Eved après l’avoir capturée. Et, mon jeune ami, menaçants comme des loups, ils mirent en garde la sorcière qu’elle ne recouvrerait sa liberté qu’à la condition unique que leurs femmes leur soient rendues.

La fille de Balor s’amusa des menaces des gens de la Branche de Slaine. Pour se moquer d’eux et leur montrer à quel point ils étaient faibles, elle déchaîna la plus importante tempête de neige qui fut. Nombre des humains moururent gelés et les survivants réalisèrent qu’ils allaient subir le même sort. En leur nom à tous, Slaine ravala sa fierté et implora le pardon de la sorcière. Eved accéda à la requête du suzerain et calma le souffle du blizzard magique dont la force faisait se fendre les rochers.

Lorsque le calme revint, les hommes implorèrent la sorcière de les épargner. Oui mon fils, la créature du froid était si effroyable que les fiers durent s’abaisser à la supplier. Slaine l’Opiniâtre plaida la cause des femmes de sa branche pour qu’elles leur reviennent. Audacieux, le chef des humains mit sa vie en jeu, car jamais il ne renonçait et car les filles de son peuple étaient innocentes de quelque méfait qu’Eved ait pu leur reprocher. Durant trois fois sept nuits, sans dormir ni jamais renoncer, Slaine tenta de convaincre Eved que son courroux n’était nullement justifié.

La sorcière rit et se moqua de la naïveté du fils de Nemed. Elle lui expliqua que les femmes reviendraient après un an si ceux de sa branche la vénéraient sans jamais faillir durant cette période. Mais écoute mon enfant, car la fille de Balor avait hérité de la sournoiserie de son père et le marché comportait une autre contrepartie. Chaque male devrait également donner un fils à la reine des glaces pendant cette année maudite. Si cette condition n’était pas respectée, la mort serait l’unique dénouement envisageable.

29 août 2007

34. Des Northlanders fils du peuple maudit (part one)

Maintenant tu connais un peu de l’histoire des hommes mon ami, le récit qui vient va t’éclairer sur une peuplade dont la rudesse n’est plus légende pour aucun. Peut-être qu’en entendant leur tragique épopée tu sauras pour quelle raison on dit qu’ils ne sont habités par aucune peur.

Les gens de la branche de Slaine l’Opiniâtre vivaient autrefois dans les territoires nordiques bien au delà des chaînes montagneuses, au-delà des territoires Tuatha De Danann. Le fils de Nemed avait choisi ces terres car elles étaient fertiles et giboyeuses. Les nombreux clans y résidant avaient su mettre à profit tous les bienfaits qu’elles prodiguaient. Vivant de la chasse et de la pêche, ces humains chérissaient plus que tout l’océan. Habiles artisans et intrépides navigateurs, ils avaient construit de magnifiques navires pour fendre les flots et les conduire d’abers en rias, afin de vivre en harmonie totale avec cet environnement qu’ils affectionnaient tant.

Puis arrivèrent les bouleversements que la colère de Bran déchaîna mon enfant. Les merveilleuses contrées subirent les caprices de la terre médiane. L’océan devint banquise et les côtes s’érigèrent en une forêt de pics glacés battus par des vents hurlants. Aucun humain n’était préparé à de telles conditions. Ébranlant l’équilibre de ces contrées, la glaciation apporta également avec elle des fléaux nés de la folie du Créateur. L’une de ces calamités revêtit la forme d’une puissante entité aux multiples pouvoirs démoniaques. Nul ne saura jamais expliquer la raison de sa venue en ces lieux, car tous ceux de son engeance avaient été bannis par Morrigan au terme de la bataille de Moy Tura…

Oui mon ami, la fille de Balor née de Graal avait quitté les terres hyperboréales pour fouler la terre des hommes. Précédée d’un brouillard glacial, la sorcière de l’hiver surgit escortée de splendides guerriers de glace. O, Eved, magnifique et fantastique créature à la beauté incomparable. La majesté et la puissance qui émanaient de ce cortège étrange inspirèrent à Slaine et aux siens un inexplicable respect. Ce sentiment se mua bientôt en un effroi indicible, lorsque tous reconnurent la fille du Sombre Seigneur.

21 août 2007

33. Des Otrybes, maîtres des sylves (part four)

La souffrance des gens de la branche de Badra n’échappa pas à Morrigan. La Tuatha De fit alors appel aux esprits les plus purs de la forêt, car elle ne voulait pas devoir affronter elle-même l’enfant qu’elle avait abandonné. Et aussi car la culpabilité la rongeait ; sans sa faute passée, Cernunnos ne serait pas devenu le souverain des bêtes. C’est ainsi que pour la première fois depuis la Création le peuple Daoine Sidhe intervint. Les êtres sylvains, dont on dit qu’ils sont l’âme des arbres et le sang des rivières, ceux-là même dont le pas est plus léger que le souffle d’une brise printanière se dévoilèrent.

Oui mon enfant, les Daoine Sidhe quittèrent la quiétude de leurs bosquets enchantés pour venir en aide à la branche de Badra. La folie ne devait pas habiter plus longtemps le domaine qu’ils chérissaient plus que tout. Ralliant les chefs réfractaires qui résistaient, les Daoine Sidhe les incitèrent à refuser l'offre asservissante des Trolls pour lutter contre le Dieu Cornu. Allié à la race fabuleuse, le peuple Otrybes qui avait la nostalgie des temps anciens put venir à bout des Trolls et chasser les hommes bêtes. Badra le Secret et les siens n’eurent pas le cœur de tuer ceux dont le sang de leurs ancêtres coulait dans leurs veines. Mais le châtiment pour les traîtres fut le bannissement mon ami. Alors ceux qui n’étaient plus que l’ombre d’êtres humains s’enfoncèrent encore plus profondément dans les forêts sous la surveillance des Daoine Sidhe, jusqu’en un lieu si éloigné qu’ils ne pourraient jamais revenir. C’était encore un sort bien doux comparé à la cruauté de leurs actes. Avec le temps les hommes bêtes oublièrent peu à peu leur allégeance au Dieu Cornu… Et aussi la dernière part d’humanité qu’ils avaient en eux.

Conscient qu’avec l’aide des Daoine Sidhe, les Otrybes étaient devenus bien trop menaçants, le Dieu Cornu décida de se retirer. Il savait qu’un affrontement direct avec les esprits purs de la forêt lui serait fatal. Le choix de Cernunnos fut très mal accueilli par la faune monstrueuse qui lui était restée fidèle. Il fut accusé de vouloir livrer les créatures des ténèbres aux humains et de s'éloigner de la voie de la domination qu’il avait toujours prônée.

L’orgueil de Cernunnos fut gravement meurtri et il entra dans une vive colère, condamnant l’audace et la vanité de ses sujets. Il leur rappela que les Daoine Sidhe étaient l’essence même de la sylve primordiale. Issus même du sang de la terre médiane, leur pureté était inaltérable. Oui mon fils, la puissance des Daoine Sidhe resterait à jamais bien incomparable à ce que les créatures des ténèbres ne pourraient jamais y opposer et Cernunnos le savait. Nul n'osa se dresser ouvertement contre le Dieu Cornu, mais les relations se dégradèrent de plus en plus. Cernunnos quitta de lui-même les forêts dans lesquelles il laissa seuls les Trolls. Sans leur seigneur, les pitoyables créatures retournèrent à l’état primitif de bêtes dénuées de conscience.

Les Otrybes comprirent qu’ils avaient gagné, ils étaient enfin maîtres des frondaisons. Alors les Daoine Sidhe partirent pour ne plus réapparaître. Ils rendirent compte à Morrigan de leur action et effacèrent leur image de la mémoire des humains. Oui mon jeune ami, car ils savaient que leur intervention n’aurait pas dû être.

Les Otrybes enfin libres de vivre comme ils l’entendaient s’appliquèrent à respecter ce nouveau domaine qui leur avait tant coûté de gagner. Les années s’écoulèrent et les gens de Badra adaptèrent leurs habitats aux luxuriants feuillages des Estaurus pour ne pas être discernables de ceux qui fouleraient le sol de leur territoire. Afin de pouvoir le défendre tout en restant invisibles. La force des Otrybes résidait dorénavant dans leur habileté à se fondre dans la végétation, héritage du Dieu Cornu.

Badra vint à disparaître, mais ses fils préservèrent les lois qu’il avait instaurées. C’est ainsi mon ami, qu’ils attaquèrent ceux de la branche de Conan le Circonspect pour défendre ce qu’il avait si durement acquis, mais cela tu le sais, je te l’ai dit, pas la peine de revenir dessus…

Installant leurs diverses communautés dans la cime des arbres, les Otrybes furent toutefois confrontés aux risques liés à la présence des Kraocks, car les insectes géants régnaient en maîtres sur les dômes verdoyants des sylves. L’ingéniosité combinée à la patience permit aux forestiers d’approcher puis avec le temps, de domestiquer les créatures volantes. Ainsi, les Otrybes devinrent définitivement les seigneurs incontestés des forêts qu’ils respectaient et défendraient quel qu’en soit le prix car ils en étaient maintenant indissociables.

16 août 2007

32. Des Otrybes, maîtres des sylves (part three)

L’origine divine de Cernunnos lui conférait de très grands pouvoirs. Afin de prouver sa générosité et sa puissance à Badra et à ses gens, le Dieu des Bêtes les gratifia des privilèges auxquels n’ont droit que les animaux. Oui mon enfant, il donna aux Otrybes la faculté de voir dans la pénombre comme en plein jour, car la sylve primordiale est aussi sombre qu’une nuit sans étoile. Les humains acquirent aussi le bénéfice de se déplacer avec félinité pour ne jamais se faire remarquer en leur nouveau domaine.

Les forestiers mirent à profit les dons du Dieu cornu. Bien vite leur adaptation à cette contrée les rendit autonomes et à même de faire face à toutes situations. Ceux qui n’étaient que des opprimés emplis d’effroi devinrent de terribles prédateurs, mon jeune ami. Et les Otrybes gagnèrent rapidement en puissance. Badra le Secret, à qui Cernunnos accordait une confiance limitée, avait toujours espoir qu’un jour son peuple se libérerait du joug de l’odieux seigneur. Et ce moment arriva. Oui, enfant, les Otrybes cessèrent de courber l’échine face aux Trolls et progressivement ils les écartèrent du territoire qu’ils s’étaient attribués.

Cette période fut terrifiante et il y eut des batailles entre les deux peuples. Ce fut même le début d'une guerre, car les humains voulaient se venger des Trolls qui torturaient et dévoraient leurs frères. Les créatures de Cernunnos réalisèrent que les humains étaient devenus bien trop dangereux. Les combattre s’avérait bien périlleux ; car Badra avait su insuffler ténacité et rage à ses guerriers. Alors les Trolls proposèrent une trêve aux Otrybes. Et pour sceller ce pacte, une de leurs femelles fut donnée en mariage à l'un des chefs humains.

De là vint la grande scission qui déchira la branche de Badra jusqu'alors toujours restée unie. Oui mon fils, Cernunnos n’avait pas été dupe des ruses du fils de Nemed. Malicieux, il avait su semer le doute dans l’esprit des plus faibles, leur promettant territoires giboyeux et pouvoir. Ainsi, les amis et les proches du chef qui s’était uni avec la femelle Troll se constituèrent rapidement en une aristocratie dissidente. Les lois sauvages de la forêt avaient eu raison de l’autorité de Badra.

Telle une harde de chiens, les hérétiques adoptèrent Cernunnos pour chef de meute. Bientôt d’autres unions contre nature se nouèrent, le penchant bestial des plus primitifs était enfin mis en évidence. L’homme a de vils instincts mon fils, il suffit de peu pour qu’ils le dominent. Cependant Badra le Secret et les autres chefs des clans Otrybes refusèrent un tel prix pour garder leur liberté. Car la fierté d’un homme libre est de marcher la tête haute et non de ramper parmi les bêtes. Car le sang de Nemed issu de Graal coulait dans leurs veines et les rappelaient au souvenir de l’ère où ils marchaient au côté des dieux.

Les déviants qui s’étaient alliés avec les créatures de Cernunnos devinrent cruels et sanguinaires. Avec les années ils dégénérèrent et régressèrent au stade d’hommes bêtes. Les sylves furent le théâtre d’abominations sanglantes qui virent périr maints braves restés fidèles à Badra. Oui mon fils, face à cette puissance, aucun clan isolé ne pouvait résister. Mais les enfants de l’aurore n’avaient pas tous déserté la terre médiane…

10 août 2007

31. Des Otrybes, maîtres des sylves (part two)

Les cauchemars du Créateur avaient donné naissance à nombre d’abominations et de créatures surnaturelles qui avaient élu domicile dans les sombres forêts Nemediantes. Les gens de la branche de Badra n’avaient aucune intention belliqueuse, leur seule erreur avait été de vouloir fuir la tourmente et la violence. Las, la sylve primordiale n’était plus l’endroit enchanteur des temps anciens. Et mon enfant, les Otrybes livrèrent alors un combat incessant. Car la nature profonde des bêtes avait changé et en l’humain, elles ne voyaient que prédateurs acharnés ou proies qui calmeraient leur appétit. Mais les bêtes n’étaient pas les seules à hanter les forêts. Il était d’autres étranges créatures. L’une d’entre elle était Cernunnos le fils difforme de Morrigan et de Balor. Oui mon ami, celui que les Otrybes appelèrent le Dieu Cornu, car il était effrayant et régnait sur les Trolls et nombres d’entités monstrueuses dont aujourd’hui le nom même a disparu.

Badra, dont la furtivité lui avait valu le nom de « Secret », enseigna aux gens de sa branche à se dérober avec finesse. Employant la ruse, s’adaptant à ce nouveau territoire dont chaque élément pouvait être propice à se fondre dans la nature, les Otrybes comprirent rapidement que leur seul espoir de survivre serait de rester solidaires. Cependant, l’infériorité en nombre des gens de Badra les ferait très rapidement massacrer s’ils ne parvenaient pas à trouver un arrangement avec le souverain de la faune monstrueuse. Oui mon fils, le Dieu Cornu était impitoyable envers les intrus et chaque jour, il accablait un peu plus les humains.

Après de longues concertations avec les chefs des clans de sa branche, Badra se présenta au Dieu Cornu. Le fils de Nemed supplia Cernunnos de lui accorder un territoire où son peuple pourrait vivre en paix. Un lieu où ils ne lui causeraient pas le moindre désagrément. Le Dieu Cornu désapprouvant la présence d’autres créatures que les siennes dans ce qu’il avait décrété être son royaume, resta inflexible aux suppliques. Tout retour en arrière était impossible… Les humains s’étaient installés, ils devraient subir les conséquences de leur audace. Badra était accablé, il avait compris qu’il avait conduit les siens dans un piège bien pire que ce que leur aurait réservé les cataclysmes.

Les chefs Otrybes ayant décidé de suivre leur guide, entendirent les paroles lugubres du Dieu Cornu. Ils furent bien avisés mon enfant. Comprenant que Badra allait faire les frais de cette entrevue présomptueuse, ils se ruèrent sur Cernunnos. Tu les aurais vu, minuscules créatures tentant dans un élan de bravoure de capturer le dieu des bêtes. Alors, Cernunnos amusé par une telle audace repoussa les êtres chétifs, presque en les ignorant, car à ses yeux ils n’étaient rien.

Mais les gens de la branche de Badra avaient forcé l’admiration du Dieu Cornu. La sauvagerie que l’amour du fils de Nemed leur avait courageusement dictée venait de sceller le sort des humains. Oui mon fils, car dans la détresse ils s’étaient lancés à corps perdu dans une lutte farouche, Cernunnos décida qu’ils étaient dignes d’avoir leur place dans les forêts. C’est ainsi qu’il leur offrit la possibilité de résider dans son royaume.

06 août 2007

30. Des Otrybes maîtres des sylves (Part one)

Ecoute le récit qui suit mon fils. Apprends comment certains des descendants de Nemed avaient compris qu'il n'y aurait pas de salut pour eux, si ce n’est celui de s’adapter à cette terre incertaine qu’était Nemedia. Laisse-moi te conter l’histoire des seuls peut-être, qui trouvèrent l’équilibre avec la terre médiane.

Avec les malheurs engendrés par la Grande Désolation, les hommes étaient faibles. Le déclin de la fraternité vit l’avènement des plus forts. Les plus démunis étaient opprimés et sans espoir. Ils étaient la proie de tous les maux et pour la plupart, proches de régresser à l’état d’animaux sauvages. Rares étaient ceux qui s'affirmèrent et furent capables non seulement de se défendre mais aussi de rendre coup pour coup. Les gens de la branche de Badra le Secret n’étaient pas parmi les plus aguerris, mon jeune ami. Mais la volonté de leur chef les a poussés à conquérir une nouvelle place dans ce monde en plein changement.

Ainsi quittèrent-ils les plaines où résidaient les Tuatha De Danann. Comme nombre d’humains poussés à l’exode, les cataclysmes liés aux marées et aux tempêtes les conduirent à prendre la direction des vastes sylves de l’est et du sud. Pour les gens de Badra aussi, le chemin fut parsemé d’embûches. Mais en ces temps troubles, l’hostilité était à son paroxysme et bien peu furent ceux qui n’eurent pas à payer lourdement le prix d’une tranquillité tant espérée. De par sa nature, Badra sut guider les siens en usant de subterfuges à même de les rendre insaisissables. Alors, rejoignant les frondaisons antiques, les hommes commencèrent à vivre conformément aux lois sauvages. Oui mon enfant, ces hommes étaient les ancêtres de ceux que nous nommons Otrybes.

02 août 2007

29. Des Cornics, maîtres du fleuve (part two)

Oui, mon jeune ami, une fois encore le destin se jouait des descendants de Nemed. Les gens de Conan avaient fui les terres Tuatha De Danann et en ce lieu inconnu, ils allaient trouver asile et réconfort dans les vestiges de l’une des cités des enfants de l’aurore. Ce serait la première qu’ils rebâtiraient, là où autrefois les membres de la race de Dagda s’étaient épanouis, en parfaite harmonie avec la nature qu’ils chérissaient tant.

Ainsi, mon enfant, les Cornics dont beaucoup étaient las de ce voyage éprouvant, décidèrent de s’installer en ces lieux. Après quelques temps, Conan décida qu’il fallait poursuivre le voyage. A la tête de son étrange armada il se lança de nouveau sur les flots tumultueux de l’Elorn.

Mais avant qu’il ne reparte, les gens de Conan qui demeurèrent lui firent serment d’allégeance. Cet endroit serait toujours un refuge où chaque Cornic, quelque soit son lignage, pourrait trouver asile. Alors mon jeune ami, la première cité Cornique fut baptisée Numes, ce qui dans la langue originelle des pères des Cornics veut dire « abri ».

Poursuivant leur quête vers le levant, les plus aventureux persistèrent et longèrent les méandres de l’Elorn. Navigant sans relâche, Conan et les siens comprirent que la complainte de Morrigan avait en effet marqué le départ des Tuatha De Danann de Nemedia, pour une destination mystérieuse. Témoignage de la gravité de ce sort funeste, bien des lieux édifiés par les enfants de l’aurore parsemaient les rives boisées du fleuve et de ses replis oubliés.

Le harassement de ce voyage aventureux et la perte de nombre des leurs, avaient fait prendre conscience aux Cornics, qu’ils pouvaient rebâtir ce qui était détruit. Les épreuves avaient été nombreuses et pénibles, le temps était venu pour les plus las de se poser. La branche de Conan se dispersa avec la découverte de chacun de ces sites, c’était l’opportunité de recommencer une vie nouvelle. Bienveillant et juste, le fils de Nemed approuva le choix des siens. Il savait que ses gens pourraient se protéger des fléaux que ce monde avait engendrés.

Conan le circonspect portait bien son nom. Il avait été décidé que chaque groupe enverrait des messagers à ceux qui étaient restés en arrière dés leur établissement. Sa parole fut honorée et le contact resta maintenu. La souffrance vécue collectivement avait généré une fraternité qui unissait tous les Cornics. Cette inébranlable valeur permit d’édifier les fondements de leur civilisation. Oui, je te le dis, elle mettrait en avant la détermination des Cornics d’asseoir leur indivisibilité malgré la distance qui les séparait. L’installation dans les cités n’était qu’une étape dans l’implantation des Cornics dans ces territoires dont les multiples menaces restaient bien réelles.

Mais, forts de l’expérience les ayant conduits en ces contrées, les Cornics savaient maintenant à quels dangers ils étaient exposés. Ils savaient que leur salut résiderait dans le choix de leur défense. L’érection de défenses inébranlables leur assurerait une vie paisible. C’est ainsi que la mise en commun de leurs efforts permit à chaque communauté d’édifier les plus impressionnantes fortifications que la terre médiane ait portées.

Et pendant cinquante années, les gens de Conan avec patience et détermination mirent en place et bâtirent les remparts enclavant les six cités qu’ils avaient investies. Ces années, mon fils, leur apportèrent leur lot de soucis et ils eurent à essuyer de nombreuses batailles. La terre médiane était sauvage et nombreux étaient les périls en cet âge farouche. Oui, les pillards écumaient Nemedia, souvent ils étaient plus féroces que les créatures de la nuits ou que les bêtes sauvages. Oui car je t’ai parlé des gens de Conan le Circonspect, mais ceux de la branche de Badra le Secret avaient investi la sylve et en avaient fait leur domaine, il étaient redoutables et sans pitié. Je te l’expliquerai en détail plus tard…

Dorénavant abrités par leurs imprenables citadelles, ceux qui autrefois avaient été les membres de clans désorganisés mirent à contribution, au profit de tous, les connaissances et savoirs issus de leur héritage culturel. Développant une société hiérarchisée et structurée, les Cornics instaurèrent les préceptes fixant les règles de ce qui deviendrait les Duchés de Cornouaille. Car Conan disparut avec ses proches, les plus braves de ses guerriers… Personne ne sait ce qu’il advint de ce souverain magnifique. Mais il fallait administrer les cités Corniques et continuer l’œuvre du fils de Nemed.

Tout au long des décennies faisant suite à leur installation, les Cornics continuèrent d’enseigner à leurs enfants la méfiance à l’égard du dehors. Mais ils maintinrent toutefois de solides relations avec les membres des autres duchés. Les serments faits à Conan seraient pour longtemps la loi qui souderait son peuple. Les Cornics délaissèrent les voies terrestres peu sûres pour mettre en place un système de navigation fluviale plus à même de répondre à leurs attentes concernant la desserte de leurs cités. Ainsi, mon jeune ami, ils purent favoriser les échanges et le commerce d’une manière rapide et appropriée. Cette solution adoptée par toutes les cités avait en outre l’avantage de pouvoir leur permettre de conserver une indépendance totale à l’encontre d’un quelconque adversaire se risquant à une tentative de siège. Les années qui suivraient tendraient à prouver que leur méfiance leur donnerait raison mon fils…

Mais ceci, tu t’en doutes bien, ce sera l’occasion d’un autre récit, car Nemedia en regorge. Pour l’heure, il vaudrait mieux que je te parle du destin de Badra le Secret et de ceux de sa branche.

26 juillet 2007

28. Des Cornics, maîtres du fleuve (part one)

La peur au ventre mais bien décidés à quitter les zones côtières en proie aux raz de marée, les gens de la branche de Conan s’enfoncèrent dans les impénétrables forêts, en lisière de leur ancienne patrie. L’hostilité et la férocité des peuplades rencontrées entraînèrent des luttes fratricides et les armes chantèrent à nouveau. Conan n’avait nullement l’intention de freiner sa progression et il adopta une attitude offensive contre tous ceux qui se dressaient sur son chemin. Sa détermination était inébranlable et le tribut à payer fut lourd.

Oui mon enfant, le sang coula encore et Conan le Circonspect vit sa suite s’amenuiser, car bien nombreux furent ceux qui périrent dans cette quête d’une terre nouvelle. Ainsi commença dans le sang et la douleur l’épopée du peuple Cornic. Plusieurs milliers furent ceux qui partirent des terres Tuatha De Danann, à peine quelques centaines verraient l’achèvement de ce redoutable périple.

Après de nombreuses années et maints combats, les Cornics trouvèrent les traces d’un site trahissant la réalité affligeante d’une fatalité tenace. Leur errance et les luttes acharnées les menant au cœur des sylves d’Estaurus ne les avaient pas conduits à plus de quelques centaines de kilomètres de leur point de départ. La nature avait repris ses droits, elle s’était jouée des humains qui bien des fois étaient revenus sur leurs pas sans en avoir conscience. Le découragement commença à frapper les plus persévérants et même Conan faillit renoncer.

Oui mon fils, le prix de l’exil était lourd. Le destin était bien injuste et l’ironie du sort voulut que la terre médiane soit le piège que les humains devraient affronter. Adversaire sournoise aux armes multiples, la sylve et les embûches dues aux mutations qu’elle subissait étaient probablement la pire infortune à laquelle Conan et les siens pouvaient être confrontés. Plus fort que tout, l’espoir triompha de l’abattement lorsque les Cornics rejoignirent les rives d’un cours d’eau. Symbole d’espérance, ils nommèrent l’Elorn, ce qui signifiait dans la langue de leurs pères « le chemin ».

La majorité des clans de la branche de Conan décida que le fleuve serait la voie qui garantirait une progression plus rapide et plus sûre que les forêts. La source de l’Elorn se trouvait vers le levant, mon fils. C’est là que les Cornics iraient afin de s’éloigner le plus possible de la zone maudite arpentée inutilement pendant de si longues années. Mais pour mener à bien telle entreprise, il fallait s’adapter et se préparer pour la suite du voyage. Un camp fut établi et chacun se mit à l’ouvrage. De longs mois passèrent encore. Et il fallut repousser les attaques des maraudeurs et prédateurs de toutes sortes, car un campement d’une telle importance attirait toutes les convoitises. Toutefois, mon ami, des dizaines d’embarcations furent construites pour le grand départ, car le peuple Cornic avait la foi en son chef.

Une fois les esquifs mis à l’eau, la navigation fut rude. Avec les moyens précaires mis en œuvre, remonter les flots tumultueux de l’Elorn grossis par les inondations ne fut pas une tâche aisée. Beaucoup des gens de Conan périrent noyés sans que leurs frères n’y puissent rien.

Après quelques temps, les Cornics atteignirent enfin une place où la colère du fleuve était atténuée. Situé bien plus avant vers l’est, l’endroit, dont la clémence tranchait avec l’impétuosité jusqu’alors connue, était l’occasion pour les humains de faire une halte justifiée et méritée. Les ondes paisibles de l’Elorn formaient une vaste étendue lacustre aux rivages sableux, une anse où les survivants pourraient enfin mettre pied à terre.

Bordant ce havre de paix, en plein cœur des territoires du centre Est, le relief chaotique et la végétation luxuriante de la sylve primordiale rappelaient aux Cornics que cette quiétude tant espérée ne serait qu’une étape à leur périple. Leur but se trouvait bien plus avant, mon fils. Les années avaient passé et la terre médiane avait changé d’aspect. Ce qui autrefois n’était que prairies verdoyantes et vallons herbeux était maintenant forêts et sombres futaies. De bien étranges créatures les hantaient, sinistres et sanguinaires. Cet endroit avait également subi les outrages de la Grande Désolation et après quelques explorations les Cornics redécouvrirent avec émerveillement les reliquats de l’un des plus fantastiques refuges dont un homme ait pu rêver.

23 juillet 2007

27. De la séparation des hommes

La colère de Bran avait ébranlé la terre médiane et, même avec son départ, les éléments continuèrent de se déchaîner. Conscients qu’il n’était plus possible de résider dans leurs cités d’antan, les nobles enfants de la race des hommes se réunirent.

Nemed trônait en père vénérable ; face à lui ses fils aînés qui dorénavant étaient tous à la tête d’une branche bien distincte de son peuple. O, mon enfant, comme ils étaient magnifiques tous ces fiers seigneurs. Il y avait Badra le Secret dont on ne s’apercevait qu’il était là uniquement lorsqu’il ressentait le besoin de le faire savoir. Près de lui, Sengann à la Noire Epée au sang bouillonnant et à la parole incisive. Et aussi Cormac le Voyageur qui avait établi son royaume au milieu des plaines de Manannan auquel il vouait une amitié sans borne. Inapprivoisable et renfrogné siégeait Slaine l’Opiniâtre qu’aucune situation ne faisait revenir sur ses décisions quoiqu’il lui en coûte. Près de lui, querelleurs mais inséparables, Elcmar l’Arrogant connu de tous pour sa jalousie et Conan le Circonspect dont la prudence était illustre. Quelques Tuatha De Danann étaient là aussi, les premiers nés, car ils avaient encore de l’amour pour les humains même s’ils ressentaient de l’amertume. Les autres Tuatha De, plus jeunes, avaient préféré se détourner de la race maudite qu’ils considéraient comme responsable de tous les malheurs survenus.

Ainsi, l’inquiétude et l’angoisse gouvernaient cette assemblée fabuleuse dont les spectres des disparus hantaient chaque membre. Pour beaucoup, il n’était pas question de demeurer sur le territoire que la fureur de Bran avait marqué de son courroux. Le déchaînement des éléments poursuivait son œuvre destructrice en écho à ce qui semblait être une damnation sans fin. L’avis d’aller vers des cieux nouveaux en quête de contrées plus accueillantes afin de recommencer une vie nouvelle n’était pas général. Le désaccord quant aux directions que chacun voulait suivre leva le voile sur l’ambition individuelle. Les litiges opposant les enfants de Nemed virent s’étioler la magie de la fraternité et bientôt, mon enfant, la discussion fit place à des joutes verbales acerbes.

Les Premiers nés écoutaient chaque argument avec détachement, n’intervenant que judicieusement pour raisonner les propos les plus immodérés. Mais les humains habités par l’effroi, mon jeune ami, n’écoutaient que leur cœur et non la sagesse des enfants de l’aurore. Les Tuatha De Danann, bien qu’ils usaient de diplomatie, ne réussirent pas à se faire entendre. Alors chacun des fils de Nemed quitta le conseil, car aucune parole n’était à même de changer la décision que chacun avait déjà prise. Le temps de l’émancipation était venu ; le sort des hommes était écrit, leur détermination venait de le sceller. A cet instant, la terre médiane se mit à trembler encore plus fort, les cieux s’assombrirent et le tonnerre gronda avec tant de puissance que les merveilleuses cités Tuatha De Danann se disloquèrent. Dieux et hommes, malgré le vent et la tempête, entendirent distinctement cette complainte qu’entonna Morrigan :


« Que les étoiles vous bercent,

O héros De Danann,

Nul plus jamais ne verra vos pareils.

Contemplez la terre médiane

La terre verte qui est vôtre,

Payée de votre sang et de votre vaillance

Dans une gloire mythique.

Que la paix règne en vos cieux

Et qu’elle règne sur le Sidhe,

Qui désormais sera votre exil

Car ici prend fin votre règne. »

18 juillet 2007

26. De l’intervention de Morrigan et du bannissement de Balor.

Ecoute enfant, écoute bien ce qui se produisit en cet instant dramatique, ainsi tu comprendras la foi qui anime les guerriers quand ils invoquent la déesse à la rouge chevelure...

Balor était sur le pont de mettre à mort Nuada, alors, éclair de feu, lame de lune éclatante et vive un mur de lumière s’interposa entre les frères. Morrigan venait d’apparaître sous la forme d’une entité éblouissante, nimbée d’une aura de paix, d’amour. Plus puissante encore que le cauchemar. Elle s’adressa à Balor en ces termes « Tu n’es pas digne de l’amour que je t’ai témoigné et désormais par les liens qui m’unissent à ce monde tu seras maudit jusqu’à la fin des temps. Par la puissance que me concède la terre médiane, fruit du rêve du Créateur je te chasse ainsi que les tiens en vos contrées mille fois maudites que désormais vous ne pourrez plus quitter »

Balor stupéfait comprit que les paroles de Morrigan étaient chargées d’un pouvoir croissant. O mon enfant, à mesure que l’éclatante lumière rayonnait du corps de la déesse à la rouge chevelure chacun des membres de l’armée Ténébreuse fit demi-tour tant l’effroi et la douleur qu ‘elle leur infligeait était insupportable.

Le Sombre Seigneur tenta de résister et concentra tous ses efforts pour détruire celle qu’il avait autrefois tant aimée. Mais le pouvoir de la détermination de Morrigan était bien plus puissant que sa volonté. L’ombre même se terra au plus profond de son corps difforme et Balor dut se résoudre à prendre la fuite laissant le charnier de la Moy Tura. Ainsi prit fin le plus lourd et le plus important massacre que Némédia ait porté sur son sol mon enfant. Ainsi tu sais quel héritage a laissé l’ombre.

Morrigan disparut en se divisant en trois personnes distinctes que désormais les Tuatha De Danann nommerait et révèrerait sous le titre de la « Babd » ce qui veut dire « la lueur de l’étoile qui est trois ».

Après le moment des pleurs vint celui des honneurs, enfant. Car ceux qui donnent leur vie pour une cause juste se doivent d’être honorés et vénérés. Et pour chaque brave qui était tombé sur la plaine de Moy Tura fut érigée une pierre sur laquelle l’ogharune de son vécu fut gravé. Ces milliers de pierres dressées, tu peux encore les voir, elles sont le souvenir d’un passé héroïque que nous ne devons jamais oublier ou renier.

Morrigan quant à elle n’apparaît plus qu’à de rares occasions sous l’une de ses trois formes. Une jeune fille insouciante couronnée de fleurs, un corbeau au bec rouge ou une vieille femme voûtée soutenant le poids des âges et le malheur des actes passés… Toutefois, jamais elle ne revint parmi ceux du peuple de Dana. Oui mon enfant, Morrigan préfère rester en communion avec la Chimère. Depuis ce jour funeste, elle apporte sagesse, volonté et courage aux Gaiscedachs.

Ainsi s’achève le récit de l’âge d’or des Tuatha De Danann mon enfant. Ici commence l’ère qui vit la colère de Bran, mais cela je te le raconterai après m’être reposé, si tu le veux bien.

16 juillet 2007

25. De la puissance de l’œil unique de Balor (Part two)

Dagda frappait de taille et d’estoc, sans relâche. La lame en fusion de son épée fabuleuse décimait ses adversaires par dizaines, à la suite les uns des autres. La lance de Lug chassait les Formoirés comme s’ils n’avaient été que des insectes. Et de son côté, mon ami, Sengann décapitait les inconscients qui osaient s’aventurer trop près de sa lame enchantée.

C’est à cet instant précis, mu par l’Ombre qui commandait à son esprit malade que Balor quitta les hauteurs d’où il observait le champ de bataille. Horreur indicible que son œil unique changeant de couleur pour virer au carmin le plus éclatant qui soit, je t’assure. Puis ce fut un rayonnement aveuglant qui s’en échappa balayant tous les combattants quelque soit leur camp. Un halo si vif que tous durent détourner le regard pour ne pas être aveuglés.

Oui, mon jeune ami, L’œil de Balor était incandescence et destruction. Rien n’y résistait. Alors le preux Nuada tenta de s’interposer pour que cesse le carnage… Trop des siens mourraient et hurlaient l’horreur. Car les douleurs de ce feu maléfique tout droit sorti du crâne du Sombre Seigneur puisaient leur énergie dans le cauchemar, dans la substance même de l’ombre. Las, la vaillance de Nuada n’avait pas la force de cette arme inégalable. Bravement le fils de Dagda tenta de frapper celui qui avait été son frère mais son bras n’atteint pas le démon. Ce bras qui portait l’espoir des Premiers nés subit l’amputation la plus horrible qui soit.

12 juillet 2007

24. De la puissance de l'oeil unique de Balor (part one)

Enfin, lorsque le soleil se couchait, les combats prenaient fin et chacun récupérait morts et blessés. Et, mon jeune ami, le lendemain, les rangs ennemis ne semblaient pas pour autant avoir diminué ; la motivation de tous restait inflexible. Diancecht avait creusé des puits de guérison dans lesquels les moribonds retrouvaient vigueur et force, grâce aux savants principes magiques que le Tuatha De et les Korrigans avaient élaborés. Oui, mon enfant, en ces âges mythiques, la mort existait mais n’était pas toujours irréversible.

Alors, à la fin du sixième jour d’affrontement, aucun des deux camps ne prenant l’avantage, après que des messagers soient envoyés de part et d’autre, une trêve fut instaurée. Il fut décidé que les combats singuliers opposant les chefs et les héros de l’armée Ténébreuse à ceux des Premiers nés départageraient les antagonistes.

Les valeureux combattants qui croisèrent le fer se succédèrent comme si les duels ne devaient jamais prendre fin. Tous étaient braves ; moult laissèrent la vie et aujourd’hui encore mon jeune ami, les récits de leurs exploits sont chantés et contés autour du feu comme s’il ne s’agissait que de légendes.

L’enjeu était si important que Nuada et Lug eux même entrèrent sur la plaine pour se confronter aux héros Formoirés et Fir Bolg. Peu survécurent aux armes enchantées que le père et le fils maniaient sans relâche de l’aurore au couchant. Pas un instant ils ne prirent le temps de se reposer. Jamais ils ne défaillirent, mon fils, en cela on put voir quelle majesté les habitait.

Le Troisième jour de ces sanglants affrontements, les Obscurs qui jusqu’à présent n’étaient pas rentrés en lice levèrent les bras au ciel en psalmodiant des sortilèges dont les paroles même écorchaient les oreilles de ceux qui les entendaient. Les sons qui émanaient de leurs gorges inhumaines étaient si atroces que nombre furent ceux obligés à déposer les armes pour se boucher les oreilles.

Le spectacle mon fils, était apocalyptique. Le climat était oppressant et la voûte céleste si basse que l’on aurait cru qu’elle allait toucher les casques des guerriers. Les ténèbres de la nuit la plus sombre venaient de s’abattre sur la Moy Tura. Seuls quelques éclairs d’un bleu aveuglant permettaient d’entrevoir le carnage qui continuait de se dérouler.

07 juillet 2007

23. De la bataille de Moy Tura et de la naissance du temps (Part two)

Désormais chaque événement qui marquerait cette journée et les suivantes écrirait dans le sang des braves la trame sinistre de ce que deviendrait l’avenir. Ton histoire et ton destin trouveront dans mes mots leur signification, sois sûr que ta présence ici est la continuité de ce récit. L’âme des guerriers qui désormais t’habite n’est qu’une conséquence de la sournoise manifestation de l’ombre qui causa tous ces fléaux. Mais je m’égare, poursuivons ce récit si tu le veux bien, il est loin d’être fini.

Alors, de part et d’autre, des guerriers quittèrent les rangs serrés de leurs troupes respectives pour se rendre au centre de la plaine. Il leur fallait, Mon Jeune Ami, effacer la honte des affronts subis individuellement et laver leur honneur par les duels rituels. Les face-à-face durèrent longtemps ; ils s’arrêtaient au couchant et reprenaient au lever du soleil. Pour chacun ce fut une éternité et chaque jour durant, les rangs des hommes concernés diminuaient.

Le sixième matin, lorsque plus personne n’eut à se rendre sur la plaine, tenant Graal du bout des doigts Balor interpella son père. D’une voix tonitruante, il cria pour qu’on l’entende d’un bout à l’autre de la plaine de Moy Tura à Dagda :
« Père, si tu désires ton chaudron, viens le chercher ! Octroie moi la moitié de tes territoires ! Alors je t’embrasserai puis retournerai en Thulé. »
Le père de tous les Tuatha De Danann répondit simplement :
« Graal reviendra aux siens et toi, mon fils tu seras banni pour l’éternité en un territoire aussi vaste que ta vanité s’y perdra ! N’attends aucune compassion de ma part ni même de ceux contre qui tu lèves ton armée, seul le Créateur décidera de notre destin.»

Le dernier mot du Dagda fut le signal qui vit la MoyTura se couvrir d’innombrables combattants qui se déversèrent, se mélangeant en une immense et macabre sarabande mêlant chair, acier, hurlements, effroi et pleurs. Mille féroces Fir Bolgs s’acharnaient comme des bêtes enragées et écumantes de rage sur de valeureux et braves guerriers de la terre des Aînés. Nuada, Dagda, Nemed et d’aussi illustres héros repoussaient les vagues successives d’attaquants sans jamais faire montre d’épuisement. O Mon Fils, comme ces glorieux héros étaient vaillants, imagine-les, infatigables, pourfendant sans distinction tout ce qui n’était pas orné du rouge, de la couleur de Morrigan...

Cirb, Eochaï et Breas se jetaient entourés de leurs fidèles sur les Tuatha De Danann et les humains, à la manière de charognards sur des proies faciles. Mais, Enfant, la magie des sortilèges qui emplissait les armes des fils de Dagda leur faisait décimer cent fois plus d’adversaires que n’importe lequel des héros de l’armée Ténébreuse.

Le sol de la Moy Tura vira rapidement en un tapis carmin et bourbeux contrastant avec la verdure environnante et la fraîcheur éclatante de l’herbe qui y poussait habituellement.
Entends-tu encore le fracas assourdissant du tonnerre et des armes rencontrant les cuirasses ? Celui du métal déchirant les chairs et aussi les cris de rage et de douleur ; l’infâme succion des pieds s’arrachant du sol gorgé de sang… Imagine toutes ses sensations, laisse-les remonter et vis toi aussi cet effroyable cauchemar.

Oui Mon Fils, les imprécations lancées par les chefs de guerre résonnent à tes oreilles, les râles des blessés à peine atténués par les carnynx et le grondement des tambours font battre ton cœur plus vite et te donnent la nausée. Apprends ce qu’est la peur et observe dans mes yeux les corps qui s’amoncèlent en de funèbres monticules sur les plaines de la Moy Tura. Imprègne-toi de cette horreur, contemple ces têtes et ces membres tous positionnés en d’outrageantes attitudes, complètement démantibulés. Vois ce que l’ombre peut réaliser et commence à détester ce que tu devras combattre.

Doucement, reviens vers moi, laisse le calme de la Chimère te caresser de son infinie douceur, c’est fini… Maintenant je peux poursuivre, pardonne-moi la brutalité de ces images elles étaient nécessaires, elles font partie de ce que tu dois apprendre.

02 juillet 2007

22. De la bataille de Moy Tura et de la naissance du temps. (Part one)

La résolution de Balor était sans appel, l’ombre le confortait dans son choix attisant sa malveillance. Et car l’offensé décide toujours de l’endroit où justice sera rendue, Mon Jeune Ami, Dagda choisit les plaines sans fin de la Moy Tura pour livrer bataille. Mais, sache aussi que ces plaines étaient le seul espace suffisamment vaste pour que puissent s’étendre et s’affronter les innombrables rangées de combattants. Tu aurais immédiatement compris si tu avais pu contempler la multitude de guerriers qui s’alignaient de part et d’autre dans les deux camps.

Anarchiques et désordonnés, des rangs de Formoirés, de Fir Bolgs trapus, de Trolls monstrueux ainsi que de nombreuses et innombrables créatures maléfiques. Peux-tu imaginer, Mon Fils, cette Armée Ténébreuse frappant armes et cuirasses en écho aux grondements des tambours et des hurlements des trompes de guerre.

Imagine encore, Mon Enfant, dans les yeux de cette horde chaotique et disgracieuse la colère, la rage et la haine qui régnaient ; et les éclairs striant la masse sombre des nuages qui les entourait d’un suaire nébuleux ne faisait qu’accentuer leur aspect démoniaque et effroyable.

En retrait, surplombant la plaine, Balor, les Venus du chaudron et des héros de leur descendance ; Breas, Eochaï, Cirb. A quelques pas de ces démons grimaçants, se tenaient des groupes de mages psalmodiant des incantations, des chants mystiques aux accents funestes, des sortilèges et des malédictions impies.

Plus loin encore, méditant, immobiles, silencieux, les yeux fermés, le menton appuyé sur le torse, main dans la main, formant une inquiétante et macabre ronde figée, se tenaient ceux que ne l’on ne connaît que sous le nom d’Obscurs. Cette armada chaotique t’aurait sans doute fait défaillir Mon Enfant, car jamais encore tant de répugnantes créatures n’avaient été réunies en un seul lieu, aujourd’hui encore, j’en tremble rien qu’en y songeant.

Face à eux, sur l’autre versant de la plaine, fiers et souriants, Dagda, Nemed et de nombreux illustres humains et Tuatha De Danann les toisaient. Ils arboraient provocateurs ce que chants et psalmodies des sages et des érudits Gruagachs mais aussi Tuatha De Danann avaient permis de réaliser en utilisant la substance même des cauchemars du Créateur. Oui Mon Fils, cette substance terrible et corruptrice qu’est l’ombre, celle-là même qui insidieusement inspirait Balor contre les siens.

Lug, éclatant comme le prince Tuatha De Danann que tous aimaient, élevait une lance à cinq branches dont seul le souffle léger de l’aurore suffisait à embraser les pointes. Dagda, lui, tenait ses deux mains appuyées sur le pommeau d’une épée dont la largeur de la lame équivalait à celle de l’une de ses cuisses. Nuada, magnifique chef de guerre de la race des Premier nés, arborait une arme à la manufacture plus qu’archaïque en comparaison à celles des princes de son peuple. Une épée comme tant d’autres, sans ornementation ni ciselure. Une arme sur la lame de laquelle aucune lueur ne venait se refléter ; noire comme une nuit sans lune. Les tiens l’appellent Excalibur, le nom qu’il lui avait donnée alors était Calfwech’t.

Détaché et absolument méprisant quant à ce qui allait se produire, Nemed inspectait du pouce le tranchant des deux lames d’une hache aussi haute que son épaule. Cette arme de la même matière que l’épée de Nuada et de celle de Sengann, son propre fils, chantait une mélopée hypnotique et langoureuse, un chant funèbre pour ceux qu’elle viendrait faucher avec enthousiasme et plaisir. O Mon Fils, tu aurais vu comme Nemed l’exhibait avec moquerie en signe de provocation. Jamais tant de légèreté en un moment aussi tragique ne fut aussi encourageant pour les siens.

En signe de ralliement, tous les braves étaient vêtus de kilts ou de pièces de tissu du rouge du sang qui ne manquerait de couler, de cette couleur de la chevelure de Morrigan qui serait l’égérie de cette lutte fratricide. Hormis ces quelques morceaux de drap masquant à peine leur nudité, les vagues de combattants humains et leurs aînées Tuatha De Danann avaient recouvert leurs corps de complexes symboles tracés avec d’éclatantes et vives peinture, en l’honneur de Dana leur mère à tous.

L’honneur et la dignité étaient les seules armures qu’ils opposeraient aux lames de leurs monstrueux adversaires. Sans frayeur ni doute, ils exhibaient avec fureur et détermination boucliers et armes, répondant aux hurlements de leurs adversaires par des cris de guerre effroyables.

C’est à cet instant précis que naquit le Temps, Mon Fils.

Désormais chaque événement qui marquerait cette journée et les suivantes écrirait dans le sang des braves la trame sinistre de ce que deviendrait l’avenir. Ton histoire et ton destin trouveront dans mes mots leur signification, sois sûr que ta présence ici est la continuité de ce récit. L’âme des guerriers qui désormais t’habite n’est qu’une conséquence de la sournoise manifestation de l’ombre qui causa tous ces fléaux. Mais je m’égare, poursuivons ce récit si tu le veux bien, il est loin d’être fini.

27 juin 2007

21. Des prémices de la bataille (Part two)

Horrible et indiciblement magnifique sensation pour ceux qui observaient ce spectacle que de sentir leur âme glacée par ces milliers d’yeux jaillissant de nulle part et dont le regard les transperçait. Malgré ce spectacle horrifiant et l’ambiance qui en découlait, comme l’usage se doit, mon fils, de part et d’autres, émissaires Formoirés et des terres libres remirent des présents et échangèrent les messages qu’on leur avait dit de répéter.


Alors, mon enfant, lumineuse comme l’aurore, grandiose comme un rayon de soleil, la compagnie de Dagda reparut lorsque tous pensaient qu’ils ne viendraient plus. Nuada alla en personne et au nom de tous parler avec son frère Balor. Comme il avait été pressenti pour être un grand chef dés sa naissance, il se comporta. Digne, sans haine, ses yeux brillant de la fierté qui caractérisait les plus grands, Nuada s’avança au milieu des troupes de l’armée ténébreuse, sans peur. Il n’accorda pas l’accolade fraternelle à Balor et lui demanda immédiatement de rendre Graal et de quitter la terre des Aînés. S’il ne s’exécutait pas, il aurait à affronter le courroux de Dagda.


Vois-tu mon enfant, tout être sensé aurait compris quelle chance était offerte de faire amende honorable et de reconnaître ses torts... De partir avec le goût amer de la honte dans la bouche mais, avec noblesse, grandi aux yeux de tout un chacun. Balor lui, ne réagit pas autrement que s’il avait été amusé. Et sa décision irait dans le sens qu’avait décidé pour lui l’ombre qui maintenant le dominait… la bataille fut donc le choix du Sombre Seigneur.

21 juin 2007

20. Les prémices de la bataille (Part one)

A peine Dagda et sa suite eurent-ils quitté Thulé, le Sombre Seigneur réunit le plus formidable conseil de guerre que Nemedia ait porté. Rentrant sur les terres libres du peuple Tuatha De Danann, Dagda renvoya tous ses fidèles en leurs demeures pour aviser leurs gens. Il fallait que tous soient prévenus de l’ombre menaçante de la confrontation qui ne manquerait pas de se dérouler. Tous avaient reçu l’ordre de préparer harnachements et armes.

Alors mon jeune ami, Brug Na Boyne, Findias, Murias, Gorias Falias et d’autres cités fabuleuses dont le nom nous échappe encore aujourd’hui furent soumises à l’inhabituelle agitation précédant les sombres évènements. Humains et Tuatha De Danann habituellement si plein de joie s’équipèrent pour livrer bataille. Si le prix de la paix était la guerre, il en serait ainsi et chacun donnerait son sang pour la terre médiane et au nom de Dagda.

Mais, mon enfant, loin des affres de la fièvre guerrière qui enivrait jusqu’aux plus sages, se déroulait un étrange conseil. Après une concertation grave entre Dagda, Lugh, Goibniu, Nemed, Diancecht, Oghma, Lars, premier souverain suprême des Korrigans et les mages les plus érudits et les plus éclairés du territoire, ces illustres seigneurs, se rendirent au royaume des Gruagachs.Hormis Dagda et sa suite, aucun de ceux restés dans les territoires libres pour aménager leur défense n’avait été mis dans le secret enveloppant la raison de ce départ, pas même Dana.

Les côtes de la terre médiane, habituellement si paisibles, étaient animées par le grouillement incessant des sombres mille-pattes formés par les cohortes maléfiques de Balor. Harnachés, hurleurs, écumant d’une bave née de la rage longuement instillée par le Sombre Seigneur tous étaient exaltés à l’idée d’anéantir ces adversaires qu’ils haïssaient tant. Oui mon fils, les frères allaient à nouveau faire couler le sang des leurs, l’ombre était parvenue à semer un trouble qu’il serait désormais impossible d’effacer des mémoires.

Heaumes à cimiers de bronze, cuirasses d’airain, épées, piques et haches d’acier venaient hérisser agressivement de leur lueur haineuse ce pathétique et monstrueux géant aux mouvements tentaculaires et désordonnés. La mer habituellement turquoise et si sereine était désormais dardée d’une multitude de navires et d’esquifs que trois fois dix personnes ensemble auraient eu du mal à dénombrer. Leurs voiles à moitié noyées dans un brouillard magique tissé par les nécromants Formoirés et Fir Bolgs laissaient toutefois clairement apparaître l’œil unique marquant leur texture sombre de son éclat mauvais.

18 juin 2007

19. Des conséquences de la fourberie de Balor (Part two)

Lorsque Formoirés, Tuathans et humains prirent place à table, Dagda resta debout. Il tenait sa harpe magique et proposa en guise de présent d’animer le banquet de ses chants. Il joua d’abord les accords de la joie et tous ensemble les convives se mirent à rire. Faisant suite à la joie, les accords de la tristesse fendirent le cœur de tous et chacun pleura jusqu’à ce que le sol soit trempé de larmes. Pour conclure, Dagda joua l’air mélancolique du sommeil et tous s’endormirent. Profitant de l’assoupissement général, le Tuatha originel vida Graal de son contenu et le remplit de toute la nourriture qu’il put trouver en Thulé. Après quelques instants, tous les convives s’éveillèrent sans toutefois avoir gardé le souvenir de s’être endormis.

Balor que l’impatience rongeait s’adressa à son père. « Il me semble que tes chants bien qu’ils aient duré bien longtemps ont ravi l’assemblée. Tu dois être bien affamé mon Père, l’honneur te revient d’entamer ce festin en prenant pour toi la part du chef, elle te revient de droit. » Dagda qui s’attendait à ce moment se saisit de Graal à bras le corps et commença à en avaler le contenu sans prendre le temps de respirer. Devant les regards ébahis de tous, il vida le chaudron magique jusqu’à la dernière goutte, puis se tourna vers Balor. « Voilà, ainsi que tu pêux le constater, j’ai répondu à ton hospitalité et me suis nourri de ce que tu me proposais. Il semble que tes promesses de banquet ne soient pas à la hauteur de mon appétit ! Maintenant qu’il ne reste plus rien, comment comptes-tu satisfaire le reste de tes hôtes ? C’est un affront que je ne puis décemment accepter et je préfère repartir en espérant que tu répareras cette humiliation en écoutant la voix de la sagesse et en cessant de te conduire en animal. Nous repartons et je souhaite que tu payes cet offense en retirant tes sbires de mes terres et que tu rapportes Graal à l’endroit qu’il n’aurait jamais du quitter, Brug Na Boyne ! Si tel n’était pas le cas, sache que dorénavant, le Tuathan entier se lèverait au côté des hommes pour te combattre. »

14 juin 2007

18. Des conséquences de la fourberie de Balor (Part one)

Quelle que soit la nature d’une nouvelle, peu importe qui en est le porteur et qui l’envoie, le meilleur accueil lui est toujours réservé. Et, mon jeune ami, il en fut ainsi pour les émissaires qu’envoya Balor. Un banquet fut même donné en leur honneur. Car Dagda est le dieu bon et qu’en aucun cas il ne déroge aux lois de l’hospitalité qu’il a instaurées. Le Premier né écouta ce que les Formoirés avaient à dire et les laissa même rire de lui. Bien qu’il ne le montrât pas, la souffrance emplissait son cœur.

Cependant, mon enfant, et c’est en cela que tu dois voir la grandeur de ce dieu, l’humiliation n’était rien comparée à ce besoin de voir à nouveau la paix sur la terre médiane. Désireux que l’horreur cesse et que les choses rentrent dans l’ordre, Dagda renvoya les émissaires en Thulé. Il les chargea de répondre au Sombre Seigneur qu’il se déplacerait pour assister à son union avec Morrigan.

A l’annonce de cette nouvelle, Balor fut pris d’une rage incontrôlable. Son aveuglement et avouons-le aussi son mentor ombreux l’avaient persuadé que le Tuatha De originel avait décidé de le tourner en ridicule, préférant sacrifier sa fille plutôt que de risquer de combattre comme il l’avait prévu. L’ombre inspira à nouveau Balor lui soumettant un plan qui obligerait Dagda à réagir de façon à ce que tous croient que sa décision n’avait pour but que de trahir l’hospitalité du Sombre Seigneur. Ainsi, pour tous, le Premier né ne vaudrait pas mieux que son fils difforme, car il ne pourrait faire autrement que de violer l’une des lois primordiales les plus importantes.

Comme prévu, Dagda se présenta à Thulé, porteur de présents comme il se doit et accompagné de Nemed et des principaux seigneurs Tuatha De dont nombre pensait en effet que la paix serait scellée par l’union de Morrigan au dernier des enfants de leur race. Thulé avait été ornementée à la façon de Brug Na Boyne, mille oriflammes rutilantes à l’image de l’œil Unique avaient été disposées partout où que l’on puisse poser le regard. Les hurlements des Carnyx et les grondements des tambours Fir Bolg résonnaient avec tant d’intensité que les murs mêmes de la cité en tremblaient. Balor accueillit Dagda et sa suite au bras de Morrigan qui avait été parée de noir car telle était la couleur des armes Formoirés.

Ecoute bien mon fils, à quel point le cynisme de Balor est sans limite. Ayant fomenté sournoisement son plan, il fit en sorte que Morrigan l’entende donner les recommandations à ses serviteurs pour qu’ils versent un puissant poison dans Graal, dans lequel seraient préparés les mets que l’on offrirait aux convives. Embrassant son père, Morrigan ne put s’empêcher de lui murmurer à l’oreille ce qu’elle savait. En cela, elle agit de la manière que le Sombre Seigneur avait espérée. Dagda conscient de la fourbe manœuvre de son fils savait que s’il ne mangeait les mets qui lui étaient proposés, il se retrouverait en la position d’offenseur. Tourmenté par ce dilemme, le Premier né réfléchit à la manière la plus astucieuse de ne pas tomber dans le piège tendu.

12 juin 2007

17. Du choix de Morrigan (Part two)

Hélas, le frère difforme dont l'esprit malade était rongé par le vice n'était animé que d’intentions belliqueuses et vengeresses à l'égard des Tuatha De Danann… Peut-être encore plus envers les humains qui avaient osé défier sa toute puissance. Inspiré par son mentor qui alimentait sa folie en distillant savamment doute et suspicion, le Seigneur et roi des Formoirés examina la requête de sa sœur. O mon fils, la fourberie allait encore œuvrer et Balor à l’œil unique élabora la trame de ce qui serait sa revanche.

Après avoir longuement réfléchi, Balor accepta la proposition de Morrigan… Toutefois, mon enfant, tu imagines bien que la réponse donnée serait encore l’opportunité pour une nouvelle duperie. Aussi, le Formoiré posa une condition unique qui serait décisive dans l'application de l’accord. Le départ des fidèles de Balor ne serait effectif que lorsque Morrigan aurait donné un enfant à son frère. Cette naissance viserait à sceller leur mariage et serait aux yeux de tous, le symbole vivant de ce pacte.

Morrigan comprit que Balor venait de la piéger. L'âme en peine, ne distinguant aucun autre moyen de faire cesser la folie dont elle avait été à l'origine, la Tuatha De à la rouge chevelure se résigna à se conformer à cet arrangement. Le Seigneur à l’œil unique pour qui cette victoire était bien plus qu'une revanche sur Morrigan, mais surtout, mon jeune ami, l'occasion de blesser Dagda, éclata d’un rire qui secoua la terre médiane à la manière du tonnerre.

Avide de savourer le résultat de sa ruse, il s'empressa d'envoyer des émissaires Formoirés à Brug Na Boyne, ainsi que dans toutes les cités Tuatha De Danann. La vanité d’annoncer que Morrigan le rejoignait sur ses terres afin de le prendre pour époux voila les terres du souverain Formoiré d’une couche de nuages si sombre que la nuit y résiderait en permanence. Oui mon enfant, des changements bien sinistres commençaient à affecter Nemedia de signes funestes…

22 mai 2007

16. Du choix de Morrigan (Part one)

La menace avait été repoussée et le danger était en partie écarté. Néanmoins, Nemed et les Fianna se lancèrent à la poursuite des fuyards pour libérer ceux que les séides de Balor avaient asservis et emmenés en captivité. Alors, enfant, nombre des contrées de la terre médiane furent ravagées. Un souffle de désolation véhiculant l’acharnement des humains charriait toute la colère de Nemed et des siens. La vengeance était apparue.

De nombreuses batailles furent livrées sans qu’aucun des adversaires ne puissent prendre le dessus et affirmer ainsi sa supériorité. L’intensité de ces confrontations était si effrayante que même Balor en vint à se demander quelle pouvait être l’origine de la foi guidant ces êtres chétifs qu’étaient les humains.

Morrigan observait cette tragédie, au cœur de la brume magique qu’elle avait tissée pour dissimuler à tous la honte qui l’habitait. La Tuatha De était consciente que le mensonge sur la disparition de Cernunnos était à l'origine de cette folie. Rongée par le remord et désireuse de racheter sa faute, Morrigan prit la décision de se rendre à Thulé et d'avouer sa faute à Balor pour que ses créatures cessent de semer la destruction là où avant ne régnaient que bonheur et harmonie. Ainsi la femme à la chevelure rouge se rendit sur les terres hyperboréales avec la certitude que sa décision permettrait de rétablir la paix. De retrouver sa dignité…

Balor accueillit sa sœur comme il se devait et il organisa même en son honneur de grandes festivités dignes de celles qui autrefois avaient lieu à Brug Na Boyne. Et, mon jeune ami, Morrigan avoua son mensonge à Balor après moult hésitations. Elle lui révéla que leur fils vivait au cœur de la sylve primordiale parmi les bêtes. Le Sombre seigneur accueillit la nouvelle avec joie et aussitôt envoya ses émissaires pour chercher son fils. Rassurée de la réaction de Balor, Morrigan insista pour qu'il ordonne à ses troupes de cesser d'opprimer les humains afin que la paix d'antan revienne.

Hélas, le frère difforme, dont l'esprit malade était rongé par le vice, n'était animé que d’intentions belliqueuses et vengeresses à l'égard des Tuatha De Danann…

16 mai 2007

15. Du malheur à l'origine de la naissance des Fianna (Part two)

Trois fois quatre des fils de Nemed qui avaient reçu de leur père sagesse, connaissance et amour de Nemedia, résistaient avec ardeur pour protéger ce qui pouvait encore être préservé. Ils étaient acharnés, de braves combattants qu'aucun adversaire, aussi monstrueux et tenace soit-il, n'effrayait. Princes adorés des leurs, tous étaient talentueux en bien des domaines. Dignes enfants de leur père né de Graal, rien ne pouvait faire fléchir leur volonté et leur rage n'avait d'égale que leur soif de justice.
Finn, l'aîné des fils du Roi des hommes était à la tête de ses frères. Magnifique comme un astre, de sa voix de tonnerre, il déclamait les lais joyeux que les Korrigans moqueurs lui avaient enseignés, de ses mains fines et musclés il tordait le cou de ses ennemis et eempilait les carcasses pour faire un rempart contre les envahisseurs toujours plus nombreux, afin de défendre ses frères. Enflammé par cette bravoure héroïque, le courage des fils de Nemed se transcenda et le souffle implacable de leur colère guerrière coucha leurs ennemis monstrueux par dizaines, comme si une tempêtes surgie du fond des âges avait décidé d'éradiquer la noirceur des hordes de Balor.
Les assauts se succédaient, les corps se mêlaient en un ballet sanglant et effroyable, rougissant le sol de la sève des enfants des hommes et de ceux qu'avait engendré Balor. Les cieux étaient amplis d'une clameur qui résonnait jusque dans les tréfonds de la terre, à la façon d'une complainte morbide si mélancolique que les montagnes même en tremblaient. Puis Nemed arriva. Voyant ce carnage auquel jusqu'à présent il n'avait rien pu faire, la tristesse envahit son coeur et les larmes roulèrent sur ses joues, chargées d'amertume. Bondissant comme un étalon que rien n'aurait pu stopper, le roi des Hommes se précipita au coeur de la bataille. Allant de fils en fils, il leur distribua les armes conçues par les Tuatha De Danann et avec fureur engagea le combat à leur côté jusqu'à ce que les sombres créatures de Balor soient refoulées.

Le danger était écarté mais les desseins du Sombre Seigneur avaient abouti, peur et cauchemar seraient désormais le lot des humains. Cependant, mon jeune ami, sur le tout premier champ de bataille qui ornait Nemedia de ses affligeantes stigmates, le plus fantastique des serments fut prononcé par Nemed et ses douze fils. Tous jurèrent sur leur vie et sur les armes que leur avaient concédées les Tuatha DE que plus jamais il n'y aurait un endroit en cette terre où les ennemis de la terre médiane ne pourraient œuvrer sans que la Fraternité de l'Epée n'intervienne. Ainsi, mon enfant, naquirent les Fianna.

10 mai 2007

14. Du malheur à l’origine de la naissance des Fianna (Part one)

Oui, Enfant, une menace indéracinable venait de planter ses griffes glacées dans la Chimère. L’âge d’or des races aînées atteignait un tournant sombre de son histoire, mais écoute plutôt ceci. Nés de Graal et de la haine, Troll et Fir Bolg trouvèrent femmes parmi les beautés corrompues qui avaient décidé de rejoindre les disciples de Balor. Les deux créatures dont la propension à se reproduire semblait décuplée par les principes magiques du chaudron d’abondance, se multiplièrent tout aussi vite que les humains.

Bientôt, les deux peuples qui portaient les noms de leurs géniteurs furent si nombreux que les terres hyperboréales ne furent plus assez vastes pour subvenir à leurs besoins et les abriter tous. Balor dont la conscience noire n’était alors plus dictée que par son mentor, les exhorta à se rendre dans les contrées où résidaient les enfants du Créateur. Fir Bolg et Trolls déferlèrent alors sur la terre médiane comme une traînée de lave, sauvage et incontrôlable. La confrontation avec les humains fut brutale et inattendue. Oui, mon jeune ami, la peur était née… Et avec elle la réalisation de la prophétie faite par Nemed.

Le souverain des hommes se rendit à Brug Na Boyne pour aviser le Tuatha originel des malheurs qui pointaient. Il exposa la nécessité de créer sortilèges et armes pour assurer la préservation de Nemedia. Dagda la douleur au cœur accéda à la requête de Nemed et chargea Goibniu, Luchte et Creidne de concevoir les objets requis. Les forges embrasèrent les cieux Nemediants d’une lueur rouge, saturant l’air d’une chaleur oppressante. Sans relâche, assistés des Gruagachs aux marteaux d’airain, les frères conçurent ce qui jamais n’aurait dû exister sur la terre médiane, mon fils. De retour parmi les siens, Nemed comprit que le fléau avait une importance bien plus grande que ce qu'il avait présagé. Beaucoup étaient ceux de son peuple qui avaient disparu effrayés par les hordes hyperboréennes, encore plus nombreux étaient ceux qui gisaient sans vie. Oui, Enfant, ce que nous nommons la mort existait…

05 mai 2007

13. De la trahison de Balor (Part two)

Les jeunes Tuatha De Danann burent le philtre et les portails de la connaissance s’entrouvrirent sur des visions qui n’éveillèrent en eux que concupiscence et disposition pour le carnage et la luxure. Oui mon jeune ami, tu as bien compris. Le poison insidieux que son conseiller sournois lui avait inspiré était désormais en train d’œuvrer dans leurs corps et noircissait leurs âmes. Mais bien pire que tout, afin de démontrer aux plus réticents qu’il pouvait de loin surpasser Dagda dans ses prouesses, Balor fit couler dans Graal une goutte de son sang. Les jeunes Tuatha De qui avaient bien entendu assisté à la naissance de Nemed, furent saisis lorsqu’ils constatèrent que le prodige auquel tous avaient assisté en Brug Na Boyne se reproduisait à nouveau.

Cependant, mon enfant, trois êtres étaient nés du sang de Balor. L’un ressemblait à s’y méprendre aux humains. Plus petit, le teint sombre, les cheveux noirs et drus, ses yeux sauvages brillaient de mille feux. Il se présenta comme étant Fir Bolg. Le second était gigantesque. Sa peau et son pelage ras étaient du vert profond de la sylve primordiale. Ses traits bien que vaguement humains laissaient ressortir l’Animalité la plus obscure qui soit. Etant également doté de la parole il se présenta à tous sous le nom de Troll. La dernière créature avait tous les attributs de la féminité. Magnifique, arborant les traits des Tuatha De Danann originels et ressemblant à s’y méprendre à Morrigan, elle était vêtue de givre et enveloppée d’une brume extraordinaire dont la proximité seule suffisait à geler tout ce qu’elle effleurait. Elle se présenta sous le nom d’Eved.

Alors la puissance de Balor n'était plus à prouver et les jeunes Tuatha De encensèrent le Sombre Seigneur. Dorénavant la pire des calamités venait de prendre pied dans la réalité de la terre médiane, mon fils. Le peuple Formoiré était né.