26 juillet 2007

28. Des Cornics, maîtres du fleuve (part one)

La peur au ventre mais bien décidés à quitter les zones côtières en proie aux raz de marée, les gens de la branche de Conan s’enfoncèrent dans les impénétrables forêts, en lisière de leur ancienne patrie. L’hostilité et la férocité des peuplades rencontrées entraînèrent des luttes fratricides et les armes chantèrent à nouveau. Conan n’avait nullement l’intention de freiner sa progression et il adopta une attitude offensive contre tous ceux qui se dressaient sur son chemin. Sa détermination était inébranlable et le tribut à payer fut lourd.

Oui mon enfant, le sang coula encore et Conan le Circonspect vit sa suite s’amenuiser, car bien nombreux furent ceux qui périrent dans cette quête d’une terre nouvelle. Ainsi commença dans le sang et la douleur l’épopée du peuple Cornic. Plusieurs milliers furent ceux qui partirent des terres Tuatha De Danann, à peine quelques centaines verraient l’achèvement de ce redoutable périple.

Après de nombreuses années et maints combats, les Cornics trouvèrent les traces d’un site trahissant la réalité affligeante d’une fatalité tenace. Leur errance et les luttes acharnées les menant au cœur des sylves d’Estaurus ne les avaient pas conduits à plus de quelques centaines de kilomètres de leur point de départ. La nature avait repris ses droits, elle s’était jouée des humains qui bien des fois étaient revenus sur leurs pas sans en avoir conscience. Le découragement commença à frapper les plus persévérants et même Conan faillit renoncer.

Oui mon fils, le prix de l’exil était lourd. Le destin était bien injuste et l’ironie du sort voulut que la terre médiane soit le piège que les humains devraient affronter. Adversaire sournoise aux armes multiples, la sylve et les embûches dues aux mutations qu’elle subissait étaient probablement la pire infortune à laquelle Conan et les siens pouvaient être confrontés. Plus fort que tout, l’espoir triompha de l’abattement lorsque les Cornics rejoignirent les rives d’un cours d’eau. Symbole d’espérance, ils nommèrent l’Elorn, ce qui signifiait dans la langue de leurs pères « le chemin ».

La majorité des clans de la branche de Conan décida que le fleuve serait la voie qui garantirait une progression plus rapide et plus sûre que les forêts. La source de l’Elorn se trouvait vers le levant, mon fils. C’est là que les Cornics iraient afin de s’éloigner le plus possible de la zone maudite arpentée inutilement pendant de si longues années. Mais pour mener à bien telle entreprise, il fallait s’adapter et se préparer pour la suite du voyage. Un camp fut établi et chacun se mit à l’ouvrage. De longs mois passèrent encore. Et il fallut repousser les attaques des maraudeurs et prédateurs de toutes sortes, car un campement d’une telle importance attirait toutes les convoitises. Toutefois, mon ami, des dizaines d’embarcations furent construites pour le grand départ, car le peuple Cornic avait la foi en son chef.

Une fois les esquifs mis à l’eau, la navigation fut rude. Avec les moyens précaires mis en œuvre, remonter les flots tumultueux de l’Elorn grossis par les inondations ne fut pas une tâche aisée. Beaucoup des gens de Conan périrent noyés sans que leurs frères n’y puissent rien.

Après quelques temps, les Cornics atteignirent enfin une place où la colère du fleuve était atténuée. Situé bien plus avant vers l’est, l’endroit, dont la clémence tranchait avec l’impétuosité jusqu’alors connue, était l’occasion pour les humains de faire une halte justifiée et méritée. Les ondes paisibles de l’Elorn formaient une vaste étendue lacustre aux rivages sableux, une anse où les survivants pourraient enfin mettre pied à terre.

Bordant ce havre de paix, en plein cœur des territoires du centre Est, le relief chaotique et la végétation luxuriante de la sylve primordiale rappelaient aux Cornics que cette quiétude tant espérée ne serait qu’une étape à leur périple. Leur but se trouvait bien plus avant, mon fils. Les années avaient passé et la terre médiane avait changé d’aspect. Ce qui autrefois n’était que prairies verdoyantes et vallons herbeux était maintenant forêts et sombres futaies. De bien étranges créatures les hantaient, sinistres et sanguinaires. Cet endroit avait également subi les outrages de la Grande Désolation et après quelques explorations les Cornics redécouvrirent avec émerveillement les reliquats de l’un des plus fantastiques refuges dont un homme ait pu rêver.

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