02 juillet 2007

22. De la bataille de Moy Tura et de la naissance du temps. (Part one)

La résolution de Balor était sans appel, l’ombre le confortait dans son choix attisant sa malveillance. Et car l’offensé décide toujours de l’endroit où justice sera rendue, Mon Jeune Ami, Dagda choisit les plaines sans fin de la Moy Tura pour livrer bataille. Mais, sache aussi que ces plaines étaient le seul espace suffisamment vaste pour que puissent s’étendre et s’affronter les innombrables rangées de combattants. Tu aurais immédiatement compris si tu avais pu contempler la multitude de guerriers qui s’alignaient de part et d’autre dans les deux camps.

Anarchiques et désordonnés, des rangs de Formoirés, de Fir Bolgs trapus, de Trolls monstrueux ainsi que de nombreuses et innombrables créatures maléfiques. Peux-tu imaginer, Mon Fils, cette Armée Ténébreuse frappant armes et cuirasses en écho aux grondements des tambours et des hurlements des trompes de guerre.

Imagine encore, Mon Enfant, dans les yeux de cette horde chaotique et disgracieuse la colère, la rage et la haine qui régnaient ; et les éclairs striant la masse sombre des nuages qui les entourait d’un suaire nébuleux ne faisait qu’accentuer leur aspect démoniaque et effroyable.

En retrait, surplombant la plaine, Balor, les Venus du chaudron et des héros de leur descendance ; Breas, Eochaï, Cirb. A quelques pas de ces démons grimaçants, se tenaient des groupes de mages psalmodiant des incantations, des chants mystiques aux accents funestes, des sortilèges et des malédictions impies.

Plus loin encore, méditant, immobiles, silencieux, les yeux fermés, le menton appuyé sur le torse, main dans la main, formant une inquiétante et macabre ronde figée, se tenaient ceux que ne l’on ne connaît que sous le nom d’Obscurs. Cette armada chaotique t’aurait sans doute fait défaillir Mon Enfant, car jamais encore tant de répugnantes créatures n’avaient été réunies en un seul lieu, aujourd’hui encore, j’en tremble rien qu’en y songeant.

Face à eux, sur l’autre versant de la plaine, fiers et souriants, Dagda, Nemed et de nombreux illustres humains et Tuatha De Danann les toisaient. Ils arboraient provocateurs ce que chants et psalmodies des sages et des érudits Gruagachs mais aussi Tuatha De Danann avaient permis de réaliser en utilisant la substance même des cauchemars du Créateur. Oui Mon Fils, cette substance terrible et corruptrice qu’est l’ombre, celle-là même qui insidieusement inspirait Balor contre les siens.

Lug, éclatant comme le prince Tuatha De Danann que tous aimaient, élevait une lance à cinq branches dont seul le souffle léger de l’aurore suffisait à embraser les pointes. Dagda, lui, tenait ses deux mains appuyées sur le pommeau d’une épée dont la largeur de la lame équivalait à celle de l’une de ses cuisses. Nuada, magnifique chef de guerre de la race des Premier nés, arborait une arme à la manufacture plus qu’archaïque en comparaison à celles des princes de son peuple. Une épée comme tant d’autres, sans ornementation ni ciselure. Une arme sur la lame de laquelle aucune lueur ne venait se refléter ; noire comme une nuit sans lune. Les tiens l’appellent Excalibur, le nom qu’il lui avait donnée alors était Calfwech’t.

Détaché et absolument méprisant quant à ce qui allait se produire, Nemed inspectait du pouce le tranchant des deux lames d’une hache aussi haute que son épaule. Cette arme de la même matière que l’épée de Nuada et de celle de Sengann, son propre fils, chantait une mélopée hypnotique et langoureuse, un chant funèbre pour ceux qu’elle viendrait faucher avec enthousiasme et plaisir. O Mon Fils, tu aurais vu comme Nemed l’exhibait avec moquerie en signe de provocation. Jamais tant de légèreté en un moment aussi tragique ne fut aussi encourageant pour les siens.

En signe de ralliement, tous les braves étaient vêtus de kilts ou de pièces de tissu du rouge du sang qui ne manquerait de couler, de cette couleur de la chevelure de Morrigan qui serait l’égérie de cette lutte fratricide. Hormis ces quelques morceaux de drap masquant à peine leur nudité, les vagues de combattants humains et leurs aînées Tuatha De Danann avaient recouvert leurs corps de complexes symboles tracés avec d’éclatantes et vives peinture, en l’honneur de Dana leur mère à tous.

L’honneur et la dignité étaient les seules armures qu’ils opposeraient aux lames de leurs monstrueux adversaires. Sans frayeur ni doute, ils exhibaient avec fureur et détermination boucliers et armes, répondant aux hurlements de leurs adversaires par des cris de guerre effroyables.

C’est à cet instant précis que naquit le Temps, Mon Fils.

Désormais chaque événement qui marquerait cette journée et les suivantes écrirait dans le sang des braves la trame sinistre de ce que deviendrait l’avenir. Ton histoire et ton destin trouveront dans mes mots leur signification, sois sûr que ta présence ici est la continuité de ce récit. L’âme des guerriers qui désormais t’habite n’est qu’une conséquence de la sournoise manifestation de l’ombre qui causa tous ces fléaux. Mais je m’égare, poursuivons ce récit si tu le veux bien, il est loin d’être fini.

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