07 juillet 2007

23. De la bataille de Moy Tura et de la naissance du temps (Part two)

Désormais chaque événement qui marquerait cette journée et les suivantes écrirait dans le sang des braves la trame sinistre de ce que deviendrait l’avenir. Ton histoire et ton destin trouveront dans mes mots leur signification, sois sûr que ta présence ici est la continuité de ce récit. L’âme des guerriers qui désormais t’habite n’est qu’une conséquence de la sournoise manifestation de l’ombre qui causa tous ces fléaux. Mais je m’égare, poursuivons ce récit si tu le veux bien, il est loin d’être fini.

Alors, de part et d’autre, des guerriers quittèrent les rangs serrés de leurs troupes respectives pour se rendre au centre de la plaine. Il leur fallait, Mon Jeune Ami, effacer la honte des affronts subis individuellement et laver leur honneur par les duels rituels. Les face-à-face durèrent longtemps ; ils s’arrêtaient au couchant et reprenaient au lever du soleil. Pour chacun ce fut une éternité et chaque jour durant, les rangs des hommes concernés diminuaient.

Le sixième matin, lorsque plus personne n’eut à se rendre sur la plaine, tenant Graal du bout des doigts Balor interpella son père. D’une voix tonitruante, il cria pour qu’on l’entende d’un bout à l’autre de la plaine de Moy Tura à Dagda :
« Père, si tu désires ton chaudron, viens le chercher ! Octroie moi la moitié de tes territoires ! Alors je t’embrasserai puis retournerai en Thulé. »
Le père de tous les Tuatha De Danann répondit simplement :
« Graal reviendra aux siens et toi, mon fils tu seras banni pour l’éternité en un territoire aussi vaste que ta vanité s’y perdra ! N’attends aucune compassion de ma part ni même de ceux contre qui tu lèves ton armée, seul le Créateur décidera de notre destin.»

Le dernier mot du Dagda fut le signal qui vit la MoyTura se couvrir d’innombrables combattants qui se déversèrent, se mélangeant en une immense et macabre sarabande mêlant chair, acier, hurlements, effroi et pleurs. Mille féroces Fir Bolgs s’acharnaient comme des bêtes enragées et écumantes de rage sur de valeureux et braves guerriers de la terre des Aînés. Nuada, Dagda, Nemed et d’aussi illustres héros repoussaient les vagues successives d’attaquants sans jamais faire montre d’épuisement. O Mon Fils, comme ces glorieux héros étaient vaillants, imagine-les, infatigables, pourfendant sans distinction tout ce qui n’était pas orné du rouge, de la couleur de Morrigan...

Cirb, Eochaï et Breas se jetaient entourés de leurs fidèles sur les Tuatha De Danann et les humains, à la manière de charognards sur des proies faciles. Mais, Enfant, la magie des sortilèges qui emplissait les armes des fils de Dagda leur faisait décimer cent fois plus d’adversaires que n’importe lequel des héros de l’armée Ténébreuse.

Le sol de la Moy Tura vira rapidement en un tapis carmin et bourbeux contrastant avec la verdure environnante et la fraîcheur éclatante de l’herbe qui y poussait habituellement.
Entends-tu encore le fracas assourdissant du tonnerre et des armes rencontrant les cuirasses ? Celui du métal déchirant les chairs et aussi les cris de rage et de douleur ; l’infâme succion des pieds s’arrachant du sol gorgé de sang… Imagine toutes ses sensations, laisse-les remonter et vis toi aussi cet effroyable cauchemar.

Oui Mon Fils, les imprécations lancées par les chefs de guerre résonnent à tes oreilles, les râles des blessés à peine atténués par les carnynx et le grondement des tambours font battre ton cœur plus vite et te donnent la nausée. Apprends ce qu’est la peur et observe dans mes yeux les corps qui s’amoncèlent en de funèbres monticules sur les plaines de la Moy Tura. Imprègne-toi de cette horreur, contemple ces têtes et ces membres tous positionnés en d’outrageantes attitudes, complètement démantibulés. Vois ce que l’ombre peut réaliser et commence à détester ce que tu devras combattre.

Doucement, reviens vers moi, laisse le calme de la Chimère te caresser de son infinie douceur, c’est fini… Maintenant je peux poursuivre, pardonne-moi la brutalité de ces images elles étaient nécessaires, elles font partie de ce que tu dois apprendre.

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