16 août 2007

32. Des Otrybes, maîtres des sylves (part three)

L’origine divine de Cernunnos lui conférait de très grands pouvoirs. Afin de prouver sa générosité et sa puissance à Badra et à ses gens, le Dieu des Bêtes les gratifia des privilèges auxquels n’ont droit que les animaux. Oui mon enfant, il donna aux Otrybes la faculté de voir dans la pénombre comme en plein jour, car la sylve primordiale est aussi sombre qu’une nuit sans étoile. Les humains acquirent aussi le bénéfice de se déplacer avec félinité pour ne jamais se faire remarquer en leur nouveau domaine.

Les forestiers mirent à profit les dons du Dieu cornu. Bien vite leur adaptation à cette contrée les rendit autonomes et à même de faire face à toutes situations. Ceux qui n’étaient que des opprimés emplis d’effroi devinrent de terribles prédateurs, mon jeune ami. Et les Otrybes gagnèrent rapidement en puissance. Badra le Secret, à qui Cernunnos accordait une confiance limitée, avait toujours espoir qu’un jour son peuple se libérerait du joug de l’odieux seigneur. Et ce moment arriva. Oui, enfant, les Otrybes cessèrent de courber l’échine face aux Trolls et progressivement ils les écartèrent du territoire qu’ils s’étaient attribués.

Cette période fut terrifiante et il y eut des batailles entre les deux peuples. Ce fut même le début d'une guerre, car les humains voulaient se venger des Trolls qui torturaient et dévoraient leurs frères. Les créatures de Cernunnos réalisèrent que les humains étaient devenus bien trop dangereux. Les combattre s’avérait bien périlleux ; car Badra avait su insuffler ténacité et rage à ses guerriers. Alors les Trolls proposèrent une trêve aux Otrybes. Et pour sceller ce pacte, une de leurs femelles fut donnée en mariage à l'un des chefs humains.

De là vint la grande scission qui déchira la branche de Badra jusqu'alors toujours restée unie. Oui mon fils, Cernunnos n’avait pas été dupe des ruses du fils de Nemed. Malicieux, il avait su semer le doute dans l’esprit des plus faibles, leur promettant territoires giboyeux et pouvoir. Ainsi, les amis et les proches du chef qui s’était uni avec la femelle Troll se constituèrent rapidement en une aristocratie dissidente. Les lois sauvages de la forêt avaient eu raison de l’autorité de Badra.

Telle une harde de chiens, les hérétiques adoptèrent Cernunnos pour chef de meute. Bientôt d’autres unions contre nature se nouèrent, le penchant bestial des plus primitifs était enfin mis en évidence. L’homme a de vils instincts mon fils, il suffit de peu pour qu’ils le dominent. Cependant Badra le Secret et les autres chefs des clans Otrybes refusèrent un tel prix pour garder leur liberté. Car la fierté d’un homme libre est de marcher la tête haute et non de ramper parmi les bêtes. Car le sang de Nemed issu de Graal coulait dans leurs veines et les rappelaient au souvenir de l’ère où ils marchaient au côté des dieux.

Les déviants qui s’étaient alliés avec les créatures de Cernunnos devinrent cruels et sanguinaires. Avec les années ils dégénérèrent et régressèrent au stade d’hommes bêtes. Les sylves furent le théâtre d’abominations sanglantes qui virent périr maints braves restés fidèles à Badra. Oui mon fils, face à cette puissance, aucun clan isolé ne pouvait résister. Mais les enfants de l’aurore n’avaient pas tous déserté la terre médiane…

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