28 février 2006

Océan impitoyable

Demata !

Aujourd'hui je vous offre un petit texte d'ambiance qui m'est venu à l'esprit et que j'ai rédigé pendant l'heure du déjeuner. Il fait suite aux textes que j'écrivais pour le background du peuple Gaël, j'espère qu'il vous plaira.

Les doigts invisibles et acérés des dieux sauvages de l’est lointain et glacial passent dans ma chevelure, leur force persistante gonfle les voiles de notre fier navire, avec fougue et entrain. Ils portent le message d’une victoire que nous arracherons à nos ennemis avec fureur, toute notre détermination enflant à mesure que les vagues coléreuses nous portent vers les des cieux nouveaux. Les embruns fouettent ma peau à la façon de mille lanières mordantes que Manannan lancerait d’un bras animé par la désinvolture méprisante d’un dieu se riant des faibles. Je suis pris de frissonnements, les griffes acérées et fugaces de mon ardeur guerrière sont autant de signes de cette impatience haïe et pourtant si naturelle chez nous les loups de Tyr Bam Radon. Je n’ai pas froid et pourtant je grelotte, mes dents s’entrechoquent comme mon instinct primitif refait surface. Mon corps vibre comme la corde tendue d’un arc, à la perspective du pillage, perspective d’un combat foudroyant qui ne durera qu’un instant, à peine le temps d’un orage en pleine mer. Le sang bouillonne dans mes veines à la façon de mille torrents de lave, répandant la haine de centaines de générations de Gaëls qu’aucun adversaire aussi puissant soit-il, n’a jamais pu stopper. Mes compagnons de toujours, ma horde aux lames noires et coupantes tel le blizzard d’Hyperborée, trépignent, ils n’en peuvent plus de cette attente insupportable. Les ondulations de cette chevelure d’azur et d’écume rageuse nous secouent rudement, tentant en une mutinerie ingérable de nous faire passer par-dessus bord, de nous happer de ses défenses liquides et gourmandes. Elle nous incite à plus de prudence, annonçant le tourbillon rougeoyant de la tourmente à venir, nous rappelle que le fil qui nous retient sur cette terre mouvante peut être sectionné en un battement de paupière. Le vent souffle ses bourrasques rageuses, chassant les nuées qui masquent l’horizon, la mer s’enfle en une plaine émeraude animée de la vigueur d’innombrables destriers écumant, et dont le grondement des sabots de tonnerre me déchire les tympans. Je serre un peu plus mon glaive, d’une poigne affermie par la joie simple de savoir que bientôt il tranchera et fendra les chairs de mes ennemis, comme la proue effilée de notre serpent des mers à l’assaut des flots. Ca y est, je les vois ! Ils sont à quelques cordes devant nous, minuscules et impuissants, je sens déjà que la brise froide m’apporte l’odeur de la peur qui leur noue le ventre. J’imagine l’effroi qui les envahit à mesure que notre dragon des océans fond sur leur coque offerte. L’offrande aux dieux oubliés des plaines ondoyantes va encenser l’honneur de mes frères, et nous assurer une place de choix, à leurs côtés, lorsque le moment sera venu de chevaucher tous ensemble, telle une meute de loups, dans la vallée sans fin de la jeunesse éternelle.




Les cordes sont lancées, les grappins enfoncent leurs serres de métal dans la chair de bois tendre de l’esquif adverse. Nos coques se heurtent, nos muscles tendus et douloureux nous catapultent de leur puissance féline sur le pont de cette proie que nous avons traquée depuis tant de lunes. Ma gorge me fait mal tant je hurle ma fureur, en inondant ce navire de toute ma rage. Mon hurlement est lame qui fouaille, acier qui pénètre et tranche, il est sauvagerie primitive du lion qui sait qu’il n’a rien à perdre. Le combat fait rage, je croise des yeux où se reflète mon image, en un tourbillon virevoltant de métal et de sang. Les os craquent, les membres amputés, tels des oiseaux sans perchoirs, volent dans des gerbes purpurines aux reflets scintillants. Mon glaive chante sa joie effroyable, en dansant comme un démon qui tue, et reprend sa mélopée en sifflant, sans cesse. Un voile carmin se glisse devant mes yeux, ma gorge est sèche et pourtant je sens la salive qui s’écoule en flots tièdes dans ma barbe tressée, cascadant sur mon torse vibrant. Nous sommes cinquante à entamer cette sarabande infernale dont les draps de satin vermillon recouvrent le sol que nos pieds foulent avec la légèreté de la plume. Frères de mort et de carnage, nos haches et nos épées se fraient une voie royale vers un butin que nous désirons à n’importe quel prix. La compagnie sombre des faucheurs de vies moissonne et taillade en entonnant la mélopée funeste des dieux sauvages qui nous ont engendré. Ni casque, ni cuirasse ne peuvent stopper notre acier déchaîné en un torrent de colère, explosant avec la vivacité et la force de dix ouragans. Il n’y a pas de pitié dans nos regards, gris comme les nuages des basses terres Gaëlles, seulement la folie et l’amour de la victoire, la victoire qui dans nos cœurs brille tel un joyau noir de désir insensé. Cet amour, nous le vivons à l’unisson, virils conquérants sans peur des contrées inconnues ou oubliées. Je saute et virevolte, ouragan dévorant de mes injures et de mes rires incontrôlés, l’acier des mailles impuissantes à protéger ces corps que je déshonore de taille et d’estoc. Je sens la morsure du fer sur mon flanc, la sève qui s’écoule de cette plaie dont je n’ai cure, et encore plus de brutalité dans les coups que j’assène. La mort m’entoure, elle est partout, amante insensible de ce pont où elle enlace des ses ailes chaudes et grises les victimes de notre rage. La mort plane, plonge, prend le rythme du mouvement des vagues, de nos haches et de nos glaives, elle hurle, jubile, prend son tribut, puis dans un regret sans remord repart vers les cieux en un souffle glacé. Le bois du pont est glissant de cette pulpe cramoisie et gluante qui enserre aussi nos mains et nos bras de sa viscosité chaude, telle une seconde peau, épiderme rouge mêlant nos sangs ennemis. Les braves tombent, mon crâne saigne, les autres supplient en pleurant, et d’une foi mal appropriée prient leurs dieux absents de cet océan nébuleux. Puis le calme revient. Le roulis est là, qui nous berce comme une mère attendrie et émerveillée de tant de combativité. Le tangage lent et grinçant de la nef de sang nous ramène à la réalité d’une quiétude qui domine de sa grâce divine tous les champs de batailles. Ca y est, tous sont morts, les râles d’agonie remplacent les cris de terreur que nourrissait le feu de notre acier insatiable. Des frères sont morts, d’autres ne vont pas tarder à les rejoindre, pour finalement embrasser en une étreinte funeste et sans concession nos valeureux ancêtres. Ensemble ils boiront l’hydromel qui coule en de doux flots ensoleillés, dans la verte prairie du Sidhe, attablés au festin des héros, avec tous les braves de notre race. L’heure est venue de quitter ce navire brillant de sang et brûlant des flammes vigoureuses que nous offrons en un hommage respectueux aux défunts. Les plaines ondoyantes nous attendent, notre vie n’est que carnage, pillage et aventure au creux des vagues, les oiseaux marins nous remercient pour le tribut que nous leur laissons, flottant dans une aura vermillon indiquant que la vie est un combat sans fin.

Les doigts invisibles et acérés des dieux sauvages de l’est lointain et glacial passent dans ma chevelure, leur force persistante gonfle les voiles de notre fier navire, avec fougue et entrain. Ils portent le message d’une victoire que nous avons arrachée à nos ennemis avec fureur, avec gloire et sans remords.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà un côté de némédia qui est...comment dire bizarre à rencontrer...

Le pillage est aussi présent que cela ?

Helgui le Gris a dit…

Demata !

Un aspect bizarre de Nemedia ? Hum pas tant que cela si l'on considère que c'est un univers tribal où l'homme est un prédateur pour l'homme. Le pillage est coutumier. Que ce soit mis en oeuvre par un Tuath (village)envers un autre, par une troupe de mercenaires à la solde d'un commanditaire ou juste pour s'enrichir et capturer des esclaves, ou comme dans ce texte par des forbans des mers, fussent-ils Gaëls ou Northlanders.

N'oublions pas que les relations sont soumises à la loi du plus fort, on s'approprie par le feu et l'acier ce qu'on ne possède pas ou ce que l'on convoite.

Les hordes de nomades Sigoles qui arpentent les steppes sont des éleveurs mais ne crachent pas sur l'attaque d'un convoi marchand, si l'opportunité se présente.

C'est un fait dans Nemedia mais il me semble qu'au cours des âges, dans l'histoire de notre monde, les pillages ont toujours existé. Des Assyriens en passant par les attaques de diligence au far West jusqu'au détournement de convois humanitaires de nos jours.

Anonyme a dit…

Dès qu'il y a proprieté, il y a pillage.

Je renvoie personnelement à la scène d'intro de l'odyssée de l'espace pour la première scène de pillage...dans un désert deux bandes d'homidés se battent tout le matin pour un point d'eau...