07 novembre 2007

38. Des Gaëls, enfants bénis de Dana (part one)

Tu connais le sort de trois des peuples que guidaient les fils de Nemed mon ami. Voici le récit de la branche de Cormac le Voyageur. De tous les enfants de Nemed, tu te rappelles que celui-ci vouait une amitié sans limite au fils de Dagda, Manannan, le maître des océans ? Le Tuatha De Danann aimait l’humain comme un frère. Il lui offrit même l’opportunité de s’installer avec ses gens sur un îlot rocheux pour mieux admirer ses plaines ondoyantes.

Ce bonheur se désagrégea avec l’arrivée des grands cataclysmes qui ébranlèrent Nemedia. La colère toute puissante de Bran n’épargna pas la terre concédée à Cormac. L’île se disloqua en une myriade de parcelles, parure bien terne en comparaison de ce qu’avait été ce royaume marin devant lequel tous s’extasiaient. Oui mon enfant, la mer reprit ce qui lui revenait de droit et même après cette tragédie, les tempêtes s’acharnèrent sans relâche sur le peuple de Cormac. Les bourrasques féroces et les lames cinglantes inondèrent l'île. Des flots monstrueux ravagèrent les rivages et arrachèrent arbres et plantes, morcelant la terre, la disloquant sans répit ; mais jamais ils ne purent atteindre son cœur de roche. Ainsi, le rocher résista au déluge et le soleil revint. Ses rayons illuminèrent alors une terre rocailleuse, désolée, une friche inculte où pratiquement plus aucune vie ne subsistait.

Alors les ancêtres de ceux que nous nommons Gaëls sortirent des abris où ils s’étaient réfugiés pour échapper au déluge. Rassemblant leur courage ils commencèrent à récupérer tout ce qui pourrait servir à rebâtir les villages, car la vie devait continuer malgré tout. Avec le reflux des marées, les fonds marins baignant les îles s’avérèrent un endroit particulièrement peu profond. Les eaux étaient poissonneuses et les hommes comprirent qu’ils ne mourraient jamais de faim. Avec les mois se succédant, l’herbe recommença à pousser et l’archipel devint rapidement verdoyant. Toutefois il n’y avait plus de bétail. Alors Radon, l’un des chefs de clan, décida qu’il fallait prendre la mer pour en ramener de la terre lointaine qui se situait vers le ponant.

L’idée paraissait périlleuse, mais Cormac qui était un souverain avisé savait que Radon était dans le vrai. Alors mon fils, les clans se réunirent et il fut décidé que cent guerriers accompagneraient Radon dans son expédition. Le fils de Nemed voulut même se joindre aux braves, car la place d’un roi est avec ses hommes face au danger, mais Radon réussit à le convaincre de n’en rien faire. Il fallait que le plus brave de tous veille sur les siens… Cormac accepta à contre cœur, mais la raison devait primer sur l’amour de l’aventure.

Plusieurs mois durant, les gens de la branche de Cormac ramassèrent le bois flottant apporté par la mer. Oui mon enfant, les îles avaient été dévastées et il n’y avait plus d’arbre. Or une telle entreprise nécessitait de construire un navire suffisamment grand pour porter l’équipage, le poisson pour le nourrir et le bétail qu’il ramènerait. Une année entière fut nécessaire à assembler un tel vaisseau. Cormac, auquel Manannan avait dévoilé de grandes notions sur la mer et ses secrets, dirigea la construction. O, mon ami, tu aurais vu avec quelle passion le fils de Nemed apporta tout son savoir et son amour à ce navire… Car s’il ne pouvait accompagner Radon, son âme habiterait l’esquif pour toujours le guider dans sa quête. Lorsque le jour du départ arriva, Radon fit le serment de revenir avant un an et un jour. S’agenouillant devant son souverain, il lui promit que tous les guerriers l’accompagnant seraient sains et saufs.

06 novembre 2007

37. Des Northlanders, fils du peuple maudit (part four)

Toutes les femmes dansaient nues en une infernale sarabande totalement désaxée. Imagine que cette scène ne faisait qu’accroître la démence de la situation. A mesure que la litanie augmentait, le sol tremblait de plus en plus fort. Les vibrations du sol étaient si puissantes que la glace et la roche éclatèrent ! Oui la terre explosa et dans la confusion absolue, elle laissa apparaître un ver monstrueux à taille prodigieuse. Les femmes déchaînées acclamaient cette immonde et répugnante créature en glorifiant son nom à tue-tête : Crom Cruach.

Alors, les hommes horrifiés comprirent qu’il s’agissait en fait du rejeton d’Eved. Cette larve qui avait réussi à fuir dans une crevasse, lorsque tous ses semblables avaient été détruites par leur fureur vengeresse. Leur colère exacerbée par tant d’ignominie, les guerriers attaquèrent le monstre. Cependant le ver infâme se nourrissait de leur force vitale et bien vite, tous furent paralysés avant d’avoir pu porter le moindre coup. Seul trois des braves survécurent aux ravages que fit dans leurs rangs celui que les femmes nommaient Crom Cruach.

Alerté du fléau que les femmes avaient invoqué, par les trois survivants Slaine comprit que la venue d’Eved avait été la plus grande malédiction qui soit. Le vaillant fils de Nemed réalisa que les femmes de son peuple étaient perdues à tout jamais. Mais il savait aussi qu’il n’y avait pas d’avenir à rester en ces terres maudites si ce n’est de subir le sort de ses fidèles et infortunés compagnons.

Ainsi mon jeune ami, dans un exode forcé, les gens de la branche de Slaine l’opiniâtre quittèrent-ils les contrées qu’il avaient tant aimées. Ainsi le peuple de Slaine se lança t’il dans une longue errance, afin de mettre le plus de distance avec celles qui avaient autrefois été leurs compagnes. Voici pourquoi la fureur depuis cet instant funeste habite ceux que nous nommons Northlanders. Car en eux brûle à tout jamais la rage. Car aucun de leurs descendant n’oubliera jamais ces femmes qu’Eved par infamie a converties en sorcières adoratrices de Crom Cruach, l’unique de ses rejetons qui avait survécu.

Alors, enfant, les guerriers redescendirent vers des territoires plus cléments. Ils emportèrent avec eux leurs magnifiques navires, les Drakmers, qu’ils voulaient garder en souvenir des jours heureux. Pour aussi ne jamais oublier que leurs contrées étaient devenues le site d’un culte effroyable dont leurs propres épouses étaient maintenant les prêtresses. Ces navires qu’ils emportaient à la force de leur bras seraient dorénavant la motivation qui les soutiendrait pour trouver une terre digne de leur volonté. Un territoire à même de les recevoir afin de rebâtir une société digne de celle qui leur avait été arrachée. Ils n’auraient de cesse tant que leurs esquifs ne se balanceraient pas à nouveau sur les flots qu’ils chérissaient tout autant que leur liberté.

Cependant, n’ayant plus de femmes, ils commencèrent à capturer toutes celles qui se trouvaient sur les terres traversées, car un guerrier doit avoir une compagne, c’est dans l’ordre des choses. Affrontant nombre de peuplades, Slaine l’Opiniâtre à la tête de ses Northlanders imposa sa volonté. Il montra à tous par le feu et l’acier que jamais les Northlanders ne reculeraient devant aucun ennemi. Après avoir croisé le chemin de Crom Cruach, peu seraient ceux à même de les faire reculer, ou même de les impressionner.

Finalement, après avoir asservi nombre de leurs ennemis pour devenir les porteurs de leurs Drakmers, chaque clan s’établit. Oui mon ami, ils décidèrent de se séparer au fil de leurs victoires, sur les sites que les combattants de Slaine avaient conquis avec bravoure. C’était pour eux la fin du voyage. C’est ainsi que les nombreuses tribus Northlanders s’installèrent des chaînes de montagne du grand Nord aux rives de l’océan, jusqu’à la limite du pays Cornic.