20 mars 2007

5. De la faute à Morrigan

Ainsi, mon jeune ami, Balor choisit de s’isoler, car la compagnie des siens l’irritait. Il ne voulait plus avoir à sentir leurs regards emplis de compassion : cet amour sans borne le rebutait plus que tout. Le disgracieux Tuatha aimait contempler l’océan et restait souvent sur la grève balayée par le vent à rêvasser à ce qu’il pouvait y avoir au-delà de cette immensité aquatique. Il aurait aimé ressembler à Manannan et sillonner les mers pour découvrir de lointaines régions ignorées. En cela il enviait ce frère dont le royaume s’étendait à perte de vue et bien au-delà de ce qu’il est possible d’imaginer.

Morrigan à la rouge chevelure se sentait attirée par Balor. De tous les Tuatha De Danann, elle était la seule à arborer une différence qui, si elle n’était pas comparable à sa difformité, la rapprochait suffisamment de son frère pour être plus intime avec lui. Elle aimait à le rejoindre sur les rives de ce que les enfants du Créateur appelaient « le Bord du Monde ».

La complicité qui les unissait se transforma en passion. La passion se mua en amour. Cernunnos aux bois de cerf naquit de cette union. Tout comme son père, étrangement, Cernunnos était atteint d’une malformation inexplicable. Le crâne de l’enfant était orné de cornes aux ramures d’os qui le rendaient effrayant. Mi Tuatha De Danann, mi bête, le fils de Balor laissait entrevoir à sa mère un avenir où les peuples se déchireraient. Morrigan perçut ce signe comme un présage de mauvais augure. Bien que la fibre maternelle la Tuatha De à la rouge chevelure fut forte, elle ne supportait pas de voir son fils muni des attributs de l’Animalité.

Alors Enfant, la fille bien aimée du Dagda partit dans le plus grand secret au fin fond de la sylve primordiale, là même où les rayons du soleil ne venaient jamais caresser le sol. L’âme en peine, elle abandonna le fruit de ses amours avec Balor. Soucieuse de ne pas blesser le Tuatha De Danann, pour qui cet enfant était la plus grande joie de sa vie, elle lui dit que l’océan l’avait emporté.

Fou de douleur, Balor vola la plus magnifique embarcation que son frère Luchte venait d’exécuter pour le compte de Dagda. La rage au cœur, le Tuatha De s’embarqua sur les plaines de Manannan Mac Lir qu’il maudit mille fois, rendant responsable ce dernier de la disparition de son fils. Les flots qu’il aimait tant le portèrent si loin que tous les Premiers né, pour qui la raison de ses agissements restait incompréhensible, le crurent perdu à jamais.

O mon fils, le déchirement le plus cruel qui fût habitait Morrigan. La peine était née en Nemedia. Et son chant lancinant couvrit bientôt toute la terre médiane d’une brume si épaisse qu’il n’était plus possible d’y voir. Consciente que son mensonge lui avait fait perdre l’être qu’elle aimait le plus au monde, la Tuatha De sombra dans une mélancolie telle qu’elle n’avait plus goût à aucun des plaisirs qui autrefois l’enchantaient.

Diancecht fort érudit dans les arcanes de la médecine était fort attaché à sa sœur. Mettant toutes ses connaissances à contribution, il créa un philtre d’oubli pour que Morrigan ne pense plus à Balor. Le philtre n’eut pas les effets escomptés et Morrigan, dont les affres de la douleur avaient trop profondément affaibli la volonté, sombra dans le cauchemar, oubliant peu à peu toutes les joies que Nemedia procurat aux autres membres de la divine assemblée.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La naissance de Cernunnos oest un peu la génèse de Balor lui même dans Némédia, ou comment et pourquoi il va devenir ce que tous connaissent et redoutent...
J'entends au loin le chant furieux de milliers de trompes de guerre, des cris mêlés des hommes, des thuathas et des formoirés. Terrifiante musique dont les accents se font de plus en plus puissants au fur et à mesure que se rapprochent les grandes plaines de l'affrontement final entre le Dagda et le Sombre Seigneur...

Anonyme a dit…

Honte à moi je ne t'ai encore pas laissé de com!et pourtant,quelle beauté que ces écrits!et je te dis merci pour cet enchantement permanent qui m'habite à chaque fois que je te lis.Comment ne pas être inspirée après cela?Je sens ma main gauche qui me démange....grooooosses bises à toi!