09 décembre 2005

Fidélité absolue

Demata !

Nemedia est une terre où bien des peuples se cottoient. Les êtres s'aiment, se déchirent se battent et meurent pour leurs convictions. Les Elcmarians ne dérogent pas à cette règle. Je vous laisse découvrir le récit qui suit...


Fidélité absolue

Un vent doux et régulier évaporait les vapeurs méphitiques du champ de bataille. Plusieurs centaines de corps étaient emmêlés dans une accolade fraternelle morbide. Dernier contact physique avant le départ de leurs esprits pour les contrées joyeuses du festin éternel, près de leurs ancêtres. L’herbe de la plaine avait pris une teinte purpurine que le soleil viendrait roussir de ses rayons jour après jour. Les charognards eux, nettoieraient les carcasses de ce qui avait autrefois été de fiers combattants. Ils ne laisseraient que des os blanchis, une forêt de membres décharnés et dressés dans d’improbables postures. Empilement d’armes brisées, de pièces d’armures rouillant avec les caprices du temps, de crânes grimaçants et obscènes, personne n’y songerait plus avec la bataille suivante.

Horaxos de Tyros détourna son regard de ce macabre paysage. Il inspira une bouffée d’air et se concentra sur la cohorte sans fin des guerriers Elcmarians qui prenait le chemin du ponant. Là bas aurait lieu la prochaine confrontation. Là bas d’autres braves mourraient, d’autres lâches fuiraient… Beaucoup de ses hommes périraient encore. L’officier impérial soupira, puis se dirigeant vers sa monture ajusta son manteau sur ses épaules, pris de frissons. L’Otarque Medox d’Ouranos l’attendait patiemment, juché sur son cheval, le torse bombé comme en ont l’habitude tous les servants d’Elcmar ; dédaigneux et conquérants. Raffermissant son assise sur sa selle, il cracha sur un corps démantibulé, près des pieds de son cheval.

- Ces chiens de Northlanders se battent comme des damnés. L’Empereur sera satisfait de savoir que ses légions ont encore vaincu. Tu peux être fier de ta promotion Horaxos, tu honores la confiance dont on t'a gratifié. Bientôt tu seras à la tête d'une légion d'Arpenteurs, si la victoire te sourit… Encore.

- Je sais cela Medox, j'en suis bien conscient. Mais j'en ai assez, je suis las de ces tueries. J'ai quitté Elcmar depuis trop longtemps… Il me tarde de rentrer chez nous et de retrouver ma compagne, de serrer dans mes bras nos enfants. L'Otarque soupira, longuement, sans se soucier du regard inquisiteur de son ami.

- N'es-tu pas fier de notre vague de conquêtes ? Les hurlements d'agonie de ces barbares ne t'emplissent ils pas de joie, lorsque nous les écorchons ? As-tu perdu la foi en notre mission ? Souffla froidement Medox les yeux étrangement plissés.

- Que veux-tu que je réponde à cela ? Bien sur que je suis fier mais…

- Mais quoi ?

- As-tu vu quel courage anime ceux que tu nommes barbares, quand à cinquante ils luttent jusqu'à la mort alors que nous sommes dix fois plus ? Même leurs femmes prennent les armes et se jettent sur nos lances en riant de nous. Quelle bravoure, quelle fierté… Quel courage, je les admire. Ils honorent des dieux oubliés, se battent nus et jamais ne renoncent…

- C'est bien en cela que ce sont des barbares, coupa net Medox offusqué des paroles de son compagnon. L'Empereur a ordonné que nous écrasions toute trace de rébellion en ces territoires sauvages, sois au moins à la hauteur de cette tâche plutôt que d'admirer ces animaux !

- Certainement Medox, certainement, tu dois avoir raison. Mais et si l'Empereur se trompait…Un corbeau croassa longuement, comme pour souligner des dernières paroles de l'officier Elcmarian. L'écho de son chant lugubre se répercuta un moment le long des parois rocheuses du défilé dans laquelle la cohorte s'était engagée. Presque un rire moqueur ampli de sarcasme et d'ironie. Plus puissant que le cliquetis des cuirasses et des armes s'entrechoquant. Plus fort que le pas cadencé des guerriers fatigués d'Elcmar.

- Comment…Ecoute, nous sommes amis de longue date, nous avons affronté de nombreux périls tout au long de ces années. Tu sais que je donnerai ma vie pour l'Empire. Tu sais à quel point tu peux compter sur moi.

- Oui mon frère, je le sais, lâcha Horaxos, le regard encore plus sombre. Je te suis reconnaissant de cette amitié et grâce à toi jamais je ne manquerai… L'Otarque ne put finir sa phrase, le glaive de son ami avait jailli dans un éclair d'acier. Froid et impitoyable. Tranchant et aveugle. La tête d'Horaxos se décolla de son tronc, dans une gerbe de sang qui éclaboussa sa monture pas même inquiétée de ce qui se passait. Indifférente à la folie des hommes…

Le corbeau croassa à nouveau. D'autres lui répondirent, puis ils s'envolèrent vers le ponant, messagers de Morrigan allant annoncer l'arrivée d'une armée. Apporter la nouvelle d'un combat dont peu leur importait le résultat… Le festin serait le même. La chair n'a pas de goût sur un champ de bataille.

- En effet Horaxos, je sais que tu ne manqueras jamais à ton devoir, j'étais là pour m'en charger. Medox essuya sa lame purpurine sur le manteau de son ami, puis il appela un légionnaire.

- Gaeldit, ramasse la tête de ce chien. Apporte-la à notre Empereur tout puissant et dis lui que le traître est mort. Va soldat, que ni fatigue, ni ennemi ni tempête ne t'arrêtent ! Sois fidèle à l'Empire. Puis quand tu seras chez nous, va chez Horaxos. Vends ses enfants sur le marché aux esclaves. Ecarte les cuisses de sa femme et amuse-toi, car dorénavant elle est mon esclave et sa demeure est mienne. J'attends de toi une fidélité absolue…

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